On avait laissé Mira Sorvino se remettre, en 1997, de ses épreuves dans le métro new-yorkais contre les insectes géants de Mimic. Retrouvailles fantastiques cette année avec la sortie de The Presence, tourné dans un somptueux cinémascope et qui arrive chez nous directement en dvd. Sorvino incarne cette fois une jeune et belle dame venue passer quelques jours sur une île au milieu d’un lac de l’Oregon. C’est là que se trouve un élégant chalet où sa famille avait coutume de passer les vacances quand elle était petite. L’endroit est devenu pour elle un refuge, elle y vient pour s’isoler et travailler (elle doit être écrivain, on ne sait pas exactement, le scénario ne révèle pas même son prénom !). Elle débarque aussi du petit canot à moteur qui l’a conduite sur l’île pour faire le point sur sa relation avec son boyfriend. Ils sont ensemble depuis trois ans, il a envie de passer à l’étape supérieure, de la demander en mariage, de fonder une famille…
Quid de l’argument fantastique ? Eh bien, Mira n’est pas vraiment seule. Le fantôme d’un jeune homme, silencieux, impassible, observe en secret les faits et gestes de l’héroïne (je vous vois venir : non, il n’y a pas de scène de douche !). Est-il bienveillant ou animé de mauvaises intentions ? On ne le saura pas tout de suite. Alors que la jeune femme sent peu à peu, confusément, la présence à ses côtés, le petit copain arrive à l’improviste. Une bonne surprise, pour commencer, puis la belle change d’attitude, elle devient de plus en plus froide et hostile à la compagnie de son fiancé. Que se passe-t-il ? Le fantôme joue-t-il un rôle occulte dans ce revirement ?
Autant vous prévenir tout de suite : The Presence est un film qui ne manquera pas d’ennuyer beaucoup de monde, et ce dès son premier acte, contemplatif. Le montage aligne de nombreux plans fixes (précisons quand même que la photo est magnifique, dans les plans en intérieurs comme dans les vues sur le superbe paysage lacustre autour du chalet), et la première ligne de dialogue ne survient que passé le quart d’heure de métrage. L’« action », si tant est qu’on puisse nommer ainsi le moment où l’intrigue se noue, ne démarre qu’à l’irruption d’un quatrième personnage, lui aussi invisible aux yeux des vivants mais pas du fantôme. L’intrus est un roux à barbichette vêtu d’un costume noir, forcément un personnage négatif si l’on se fie à certaines conventions visuelles (ce personnage-cliché est une faiblesse du film). Sous les yeux du fantôme du chalet, il intervient incognito auprès du couple pour chuchoter des choses mystérieuses à l’oreille de chacun…
Pour peu qu’on accepte le rythme languide, on finit par trouver un intérêt réel à The Presence. Le film diffuse un charme qui a l’étoffe du rêve, et, par leur répétition, les plans qui intègrent dans le même cadre le fantôme immobile et l’héroïne obervée à son insu finissent par devenir assez perturbants. Une étrangeté bienvenue, là où d’autres films misent à fond sur les « jump scares » pour faire flipper le public. L’intrigue fera intervenir d’autres spectres, à un niveau métaphorique, soit les fantômes du passé de l’héroïne, autrefois maltraitée — et peut-être sexuellement abusée — par son propre père dans les murs mêmes du chalet. Les scènes s’enchaînent, le personnage principal gagne en épaisseur, bien servi par une Mira Sorvino très impliquée, au jeu plutôt juste (à l’exception d’une scène d’engueulade à l’intensité surjouée). Belle composition de Shane West, également, dans le rôle du fantôme, qui parvient à imposer sa « présence » simplement par le regard, sans jamais rien faire ni dire, presque jusqu’au bout. Le film de Tom Provost s’inscrit au final comme une œuvre réussie, comme une ghost story à la poésie très sage, certes, mais qui a l’originalité d’aller à contre-courant des modes actuelles du cinéma d’épouvante.
Dvd et blu-ray disponibles à compter du 13 décembre 2013 (Emylia). Ci-dessous la bande annonce, qui a la particularité d’inclure quelques effets de montage ou numériques absents du long métrage…