Autrefois, les sorcières risquaient le bûcher et autres tortures de l’Inquisition, mais c’est fini ! Les magiciennes d’aujourd’hui déploient leurs talents au grand jour, elles tiennent boutique, et surtout elles sont en quête d’absolu et cherchent le grand amour…
La cinéaste Anna Biller a étudié le 7ème Art à l’UCLA, en Californie, c’est une créatrice complète qui, en plus de la réalisation, pratique la peinture, écrit, compose… Pour The Love Witch, Biller a presque tout fait — scénario, mise en scène, montage, musique, décors, costumes. Elle ne joue pas dans le film, mais elle aurait pu (en 2007, elle s’est octroyé le rôle-titre de son premier long métrage, Viva). La vedette de The Love Witch, c’est Elaine, campée par la jolie Samantha Robinson. Une comédienne encore peu connue et qui ici évolue dans un univers de pure création cinématographique : maquillée et vêtue, comme le reste du casting, à la mode des années 1960-70, Elaine la « sorcière de l’amour », filmée sur pellicule 35 mm (Biller, puriste, voue aux gémonies les caméras vidéo), semble sortie tout droit d’une vieille série télé, apparaissant telle un clone de Diana Riggs dans un épisode en couleurs des Avengers.
Anna Biller s’est visiblement donné du mal pour assembler devant sa caméra un univers aux tons flashy et psychédéliques, faisant de The Love Witch un bel objet d’allure vintage. Cela dit, des articles de notre époque — quelques voitures, smartphones et strings — n’ont pas été bannis du plateau et leur présence à l’image brouille les repères. Bon, après tout, on baigne dans un microcosme parallèle mystérieux, ésotérique, où on n’a pas à tout comprendre ni tout expliquer. Ce qui est fâcheux, en revanche, c’est le fond du script, lui aussi peu clair quand il fait entendre un discours féministe qui, plus d’une fois, s’emmêle les pinceaux : grâce à la figure de la Sorcière, Anna Biller célèbre la force et l’indépendance féminines — un parti pris efficace, à défaut d’être original. Maintenant, le but poursuivi par son héroïne s’avère inadéquat, la belle Elaine n’ayant de cesse de mettre le grappin sur un prince charmant. Sa quête désuète de l’homme idéal passe par des spécimens tous horripilants, et les nombreux dialogues qui théorisent à l’envi sur les aspirations affectives du personnage passent mal, d’autant qu’ils contribuent à porter le métrage à une durée déraisonnable de deux heures ! L’apparition régulière des fesses et des jarretelles de l’héroïne (ainsi que son regard artistement maquillé) permet malgré tout de relancer l’intérêt du spectacle, encore que l’érotisme s’avère hypocrite, avec plusieurs figurants à poil (lors des sabbats orgiaques) alors que l’essentiel de l’anatomie des sorcières-vedettes (Elaine et une congénère prénommée Barbara) reste pudiquement masqué par de commodes artifices.
Sorti en DVD et blu-ray au Royaume-Uni, The Love Witch n’est pas (encore) disponible en France, mais le film a fait l’objet de quelques séances sur grand écran lors de l’édition 2016 du superbement nommé Festival du Film de Fesses, à Paris, au cours duquel les amateurs ont pu redécouvrir, entre autres, le très beau Fascination (1979) de Jean Rollin, avec Brigitte Lahaie, petit fleuron de l’horreur érotique made in France. La tenue prochaine de la nouvelle édition — la quatrième — réservera à n’en pas douter quelques belles surprises (fantastiques ou non, la manifestation ayant pour vocation d’embrasser tous les genres, pourvu qu’il y ait des fesses !). Nous en saurons plus dès jeudi soir, 8 juin, quand sera dévoilée la programmation… Rendez-vous donc après-demain. Le festival, quant à lui, se tiendra du 29 juin au 2 juillet aux cinémas Reflet Médicis et La Filmothèque, tous deux rue Champollion dans le 5ème arrondissement.