La réussite d’un film de hantise tient à une subtile alchimie. Soyons honnêtes : avec sa famille tourmentée dans son nouveau foyer par une présence invisible, The Conjuring ne propose aucune péripétie inédite, et les faits relatés comme les personnages ont des équivalents dans d’innombrables métrages antérieurs. Et pourtant, même si, pour la énième fois, l’on s’enfonce dans les ténèbres d’une cave encombrée de vieilleries, ou que l’on assiste aux échanges entre une fillette et un ami invisible, la formule fonctionne, le mérite revenant à l’interprétation, excellente, et surtout au talent de James Wan, dont la mise en scène et le sens du tempo s’accordent dans une sorte d’état de grâce. Coupable en 2011 du médiocre Insidious sur le même thème, le cinéaste réussit ici à faire vivre dans nos tripes le drame de la famille Perron. Dans leur demeure achetée aux enchères, sans même l’avoir visitée (ils auraient dû !), la menace est prégnante, et on a peur, tout le temps, conscient que la menace peut surgir à n’importe quel moment : un innocent jeu de cache-cache devient un amusement suicidaire, une simple armoire à vêtements fait figure de porte de l’enfer. L’intérêt, c’est vrai, chute sensiblement passé l’heure de métrage, dès lors que l’invisible sollicite moins notre imagination et que James Wan donne un visage au danger. Mais les dernières séquences relancent la machine, elles font la part belle à la composition de la comédienne Lili Taylor, qui joue la mère de famille. Une « performance », comme on dit en franglais, des plus louables, le faciès torturé de son personnage éprouvé par les agissements du spectre marquant durablement la mémoire.

Pour information, Roger et Carolyn Perron existent bel et bien, ainsi qu’Ed et Lorraine Warren, les parapsychologues contactés par Carolyn pour qu’ils leur viennent en aide. Tous ont été contactés à plusieurs reprises au cours de l’écriture du film et du tournage, et comme l’indique le carton en début de projection, l’histoire, qui se déroule en 1971, est donc « inspirée de faits réels ». C’est sûr, on en pense ce qu’on veut, d’autant que les ultimes répliques du film ne plaident guère pour la cause des exorcistes en évoquant un cas similaire à celui des Perron, celui de la famille Lutz, résidents durant la même décennie dans la fameuse « maison du diable » d’Amityville. Une affaire pseudo-diabolique montée en épingle par un journaleux du nom de Jay Anson, qui en tira un bouquin à sensations également porté à l’écran avec le succès que l’on sait. Les aventures des Perron sont-elles du même tonneau ? Crédule ou pas, croyant ou pas, à chacun de se forger son intime conviction.

Sortie dans les salles le 21 août 2013.