Au Japon, le dénommé Uketsu aime le mystère, au point, même, de dissimuler ses traits et son identité. Lorsqu’il apparaît, on dirait un yokai, tout de noir vêtu et sans visage, portant un masque blanc. Un anonymat qui ne le prive pas du succès : comme l’indique l’éditeur français sur le bandeau vert, Uketsu a vendu chez lui pas moins de deux millions d’exemplaires du présent roman, lequel va sortir un peu partout en Europe d’ici le printemps. Le romancier ne fait pas qu’écrire, la quatrième de couverture précise qu’également il dessine, publie des vidéos d’horreur, compose de la musique… Un talent multimédia qu’on retrouve dans l’esprit et la structure de Strange Pictures.
Le roman se divise en quatre grands chapitres qui, à première vue, ont l’air de nouvelles indépendantes. Tous portent un titre : La Jeune Femme les cheveux au vent relate, via un blog, l’histoire d’une grossesse compliquée ; dans L’Appartement barbouillé, un petit garçon disparaît en pleine nuit ; Le Dernier Dessin du professeur d’arts plastiques parle du meurtre barbare et non élucidé d’un enseignant parti camper ; L’Arbre qui abrite un moineau, enfin, fait le récit d’une vie débutant par un matricide. En réalité, bien qu’ils passent d’une décennie à une autre, d’un groupe de personnages à un autre, les récits composent une seule et même histoire, narrée selon des points de vue différents. Et il faut attendre évidemment les toutes dernières pages pour saisir la vision d’ensemble. C’est rédigé dans un style simple, au présent, et c’est franchement bien ficelé, avec, au cœur de chaque intrigue, la présence d’un ou plusieurs dessins bizarres riches de sens et d’indices, qui mettent à l’épreuve la sagacité de personnages lancés dans la résolution d’énigmes. Le livre pique la curiosité (d’autant que les fameux dessins étranges sont tous reproduits dans les pages, on peut s’amuser soi-même à chercher), les chapitres se font très souvent inquiétants (ambiance Ring et Dark Water, si l’on cherche des équivalents au cinéma), le tout se lit donc avec le plus grand intérêt. Histoire de brouiller la frontière entre fiction et réalité, le blog dont il est question dans le premier chapitre est bel et bien en ligne, il est consultable à l’adresse https://nanashinoren.blog.jp, mais il faut lire le japonais pour pouvoir s’y plonger !
En librairie à partir du 10 janvier 2025.