C’est toujours attirant quand un premier roman rencontre un grand succès. Avec Sarek, Ulf Kvensler entre dans la cour des auteurs de polars scandinaves dont la mode n’est pas encore passée. C’est en Suède que se déroule ce roman captivant, par son côté espaces sauvages et sa confrontation à la sauvagerie dont l’homme peut être capable. La quatrième de couverture, déjà alléchante, nous en dit un peu plus :
« Dans les paysages fascinants de Sarek aux confins de la Laponie, le pire a peut-être déjà eu lieu.
Anna est retrouvée en hypothermie par les services de secours, des marques de strangulation et des contusions sur le corps. Qu’est-il arrivé pendant cette randonnée de plusieurs jours dans le parc sauvage de Sarek, en Suède ? Où sont passés son conjoint Henrik, sa meilleure amie Milena et cet homme étrange qui s’est joint à eux à la dernière minute, Jacob ?
Anna aura-t-elle la force de raconter aux policiers qui l’interrogent ce qu’il s’est vraiment passé ? Le peut-elle seulement ?
Dans ce drame psychologique d’une puissance inouïe, Ulf Kvensler offre un roman entre polar et littérature et nous prend au piège d’une Suède aussi grandiose qu’impitoyable. Magistral. »
Accident, disparition ou crime, la question se pose, car seule Anna Signe Samuelson a été retrouvée dans ce parc relativement dangereux de Sarek. Il est vrai que Jacob Tessin va attirer dans un premier temps l’attention du lecteur. En effet, si les trois amis ont l’habitude de randonner ensemble, il est venu s’ajouter au trio. Il est le nouveau petit ami de Milena, mais Anna qui est juste, ne découvre pas grand-chose sur lui. De même, il est à l’origine du choix du parc de Sarek, en septembre, la pire saison qui y soit. De là à penser qu’il prépare un sale coup… Mais un thriller est rarement intuitif et je ne vous gâcherai la lecture et vous laisserai découvrir par vous-même le ou les secrets que recèlent ce récit palpitant.
Nous avons un chapitrage court comme il se doit dans le genre. Mais ici, nous avons une alternance du récit d’Anna à la première personne qui nous raconte la genèse de cette randonnée et les relations entre les différents protagonistes avec celui des interrogatoires plutôt bienveillants de la police suédoise qui essaye de comprendre ce qui a pu se passer, car il y a quand même une tentative de strangulation sur Anna. Il est à noter que ce récit est d’autant plus agréable que le traducteur, Rémi Cassaigne, a déjà pris en charge d’autres auteurs reconnus comme Viveca Sten, Camilla Läckberg ou l’incontournable Henning Mankell qui sont autant de gages de la qualité du traducteur.
La couverture issue d’une photographie d’Andreas Geh, mi-lac mi-tourbière, fait ressortir l’hostilité du site de la randonnée. C’est bien cette dangerosité des lieux qui nous saisit lors de la lecture de cette randonnée éprouvante. Et c’est dans ce milieu que nous verrons évoluer un personnage manipulateur, toxique puis pervers narcissique, tout au long de la randonnée. Mais les choses sont rarement ce qu’elles semblent être et la fin de l’histoire pourrait bien être toute autre et laisse l’imagination du lecteur choisir ce qu’il en a ressenti pour en tirer ses propres conclusions. Sarek mérite largement le prix du meilleur premier roman policier de l’Académie suédoise et bien d’autres nominations.
La réussite de ce roman tient surtout dans la densité des personnages qu’Ulf Kvensler dépeint sans concession. C’est la vraie vie, personne n’est tout blanc ou tout noir, et c’est confronté aux événements les plus déconcertants que l’assurance qu’on pense avoir se dissipe et que ce qu’on est réellement se révèle au grand jour. La véritable gageure de ce premier roman est de nous tenir en haleine dans un huis clos oppressant en plein air. Une belle entrée en matière.