Ce qui fascine chez Kim Un-Su, c’est son style, sa façon de manier de verbe pour nous restituer un univers exotique. Certes, il est coréen et c’est l’underground de la Corée du Sud qu’il nous présente, mais cela ne fait pas tout. Il sait appuyer là où le décalage culturel nous entraîne dans un de ces pays d’Asie qu’on pense connaitre, mais qu’on ignore au final. Chacun trouve aux auteurs des talents à la mesure de son expérience de lecteur. Ainsi, tel grand libraire télévisuel trouvera à la gouaille d’une auteure belge un talent sans borne, alors que je n’y vois qu’une auteure distrayante, sans plus.
Avec Sang chaud, Kim Un-Su pourrait apparaître comme une référence de ce qu’on appelle dorénavant le thriller coréen, digne concurrent du thriller scandinave qui remplit depuis de nombreuses années les rayonnages de nos libraires. À la manière de Roberto Saviano, Kim Un-Su nous présente la vie et les mœurs de ces triades asiatiques qu’on a trop longtemps mythifiées. C’est une immersion dans une certaine réalité qui nous est proposée dans ce texte vivifiant.
Nous y suivons Huisu, un homme de main, fidèle à son boss, Père Sohn. Ce dernier contrôle le quartier de Guam, dans la ville côtière de Busan. Père Sohn est prudent. Trop selon Huisu. En effet, pour avoir vu la spoliation que les politiques peuvent exercer sur les clans mafieux, Père Sohn se contente de trafics peu exposés, mais qui ne rapportent pas autant que les plus risqués comme la drogue, voire la conquête de nouveaux territoires.
Huisu a une addiction aux jeux, et s’il n’était l’homme de main d’un caïd local, son créancier, le cruel Obligation Hong, l’aurait déjà privé de ses extrémités, afin de l’inciter à régler ses dettes. Huisu sait que cela ne va pas durer. S’il gagnait plus auprès de Père Sohn, il pourrait régler ses dettes… ou jouer plus encore.
Aussi, il est bien décidé à ce que les choses changent. Simplement Huisu est affligé d’une tare, il est loyal. Dans la pègre coréenne, comme dans notre société capitaliste, la loyauté est un frein à l’ascenseur social. Là où la servilité obséquieuse fonctionne, la loyauté échoue. Alors Huisu va devoir renier ses valeurs et se renier lui-même s’il tient à réussir.
Lorsqu’on parle de thriller coréen, c’est notamment Sang chaud qui est mis en avant. Pourtant, décrivant les ficelles de la pègre coréenne, il relève plutôt du polar, au mieux du roman noir. Violent, il porte tous les conflits entre communautés propre à toute société. Les conflits se règlent parfois de façon diplomatique, mais les menaces et les actes de vengeance qui interviennent en seconde couche sont la marque de fabrique de toute société mafieuse. Kim Un-Su est aussi l’auteur d’un roman traitant toujours de ce milieu, Les planificateurs, dont je vous parlerai prochainement.