Sång est un terme suédois qui signifie chant, chanson. Mais pourquoi ce titre pour un thriller mâtiné des moments les plus cruels de l’histoire moderne ? Ce chant, c’est celui des partisans républicains espagnols que le joug franquiste tenta de faire taire. C’est aussi les chansons des enfants de ces mêmes républicains retenus dans des orphelinats d’une cruauté sans nom, afin d’en faire de bons citoyens fidèles au Caudillo. Ce chant, c’est aussi le murmure à leurs oreilles quand, adultes, ils se remémorent cette Espagne qui s’est autoamnistiée, s’est privée de son Nuremberg et qui ronge encore les âmes de ses victimes, non par esprit de vengeance, mais par l’absence de la reconnaissance de toutes les violences subies.
Tout commence donc par le meurtre d’une famille suédoise, mais ce n’est pas n’importe quelle famille. Scotland Yard emploie une jeune autiste Asperger du nom d’Alienor Lindbergh en tant qu’analyste. Cette jeune femme a participé aux enquêtes d’Emily Roy, la profileuse et d’Alexis Castells, l’auteure à succès de thrillers sanglants. Ce ne sont pas moins que les parents et la sœur d’Alienor qui sont sauvagement assassinés et à qui on a tranché la langue. Emily, Alexis et leurs relations suédoises se mettent en branle, ce qui n’est pas sans perturber les parents d’Alexis qui préparent le mariage prochain de cette dernière.
Les parents d’Alienor dirigeaient une clinique d’aide à la procréation médicale assistée. Assez étrangement, son taux de réussite était bien supérieur à celui du secteur. L’enquête va donc d’abord s’orienter vers ce milieu qui exploite la détresse des familles. Ce récit est entrecoupé de témoignages, et du récit de victimes du franquisme, le fascisme oublié de notre Europe, celui qu’on regarde avec bienveillance alors qu’il était avant tout une machine à broyer les hommes et les femmes et à recycler leurs enfants.
C’est aussi de cette période que sont nés les assassins de ce récit. Après Block 46 et Mör, Johana Gustawsson met une nouvelle fois à mal la mémoire sélective de notre Europe. Ce roman cruel est comme d’habitude haletant. Les révélations qui y sont faites n’épargneront guère les héros qui, par les hasards de l’histoire, seront plus qu’intimement mêlés à cette affaire hors norme. La folie meurtrière des âges barbares ne s’éteint jamais, pour peu qu’on oublie son passé, condamnant ainsi son avenir. Une suite à la hauteur des deux précédents opus.