Norihiko Kurazono connaît ses gammes de l’horreur sur le bout des doigts. Rock Of Destruction débute un peu comme Evil Dead (et ses innombrables imitations) avec un groupe de potes du lycée organisant un week-end d’enfer, non pas dans une cabane au fond des bois (ni un chalet au bord du lac) mais dans une grande villa très à l’écart de la ville. À vrai dire, ils ne se connaissent pas si bien que ça, certains — dont la jolie Milo — ayant été « recrutés » à la dernière minute pour que la fête soit plus folle. La nuit promet d’être longue, mais pas comme la bande l’avait espéré…
On a mentionné Evil Dead, mais on pourrait tout aussi bien citer Silent Hill ou The Mist parmi les références/influences du manga, dans lequel une obscurité surnaturelle et brumeuse vient engloutir les personnages, vite aux prises avec des apparitions cauchemardesques à la Lovecraft surgissant des ténèbres pour les massacrer (et non sans vouloir violer les filles avec les traditionnels appendices tentaculaires de l’horreur nippone). Démarrant sur des bases connues, le récit s’avère tout de même plus d’une fois surprenant, par l’ambiance oppressante qu’il parvient à installer (la composition graphique est excellente, très cinématographique) et par le jusqu’au-boutisme de l’œuvre, cruelle avec tous les personnages, dont on ne donne vraiment pas cher de la peau. Il y a une dimension allégorique à tout ça : dans une postface de trois pages, l’auteur explique sa crainte de voir l’humanité bientôt supplantée par une forme d’intelligence supérieure (en l’occurrence l’intelligence artificielle), d’où cette histoire où une menace mortelle, surgissant à intervalles de plus en plus courts et s’en prenant à de plus en plus de gens, préfigure la déchéance de l’espèce humaine au profit d’êtres supérieurs voués à son extinction. Une prédiction que les futurologues les moins cool envisagent pour l’horizon 2045. Tremblez, pauvres lecteurs.
En librairie depuis le 20 mai 2021.