La fiancée zombie est un personnage qu’on croise désormais fréquemment dans les films de morts-vivants. Après les « zombedies » américaines Burying the Ex de Joe Dante (vu à Gérardmer, chronique par ici) et Life After Beth (la chronique par là), voici Nina Forever, en provenance du Royaume-Uni. La grise Angleterre hivernale et provinciale est le théâtre d’un drame intimiste où le souvenir de Nina, morte sur la route, hante l’esprit de son compagnon Rob. Dépressif, le jeune employé de supermarché oublie ses projets de suicide grâce à la sympathie de sa collègue Holly, à peine sortie de l’adolescence. Hélas, leur relation de couple naissante est aussitôt perturbée par la revenante Nina, incarnation d’outre-tombe qui s’invite dans le lit dès que Rob et Holly font l’amour…
Maculée de sang comme à l’instant de sa mort, désarticulée — et cependant dotée d’une langue bien pendue —, la zombette apparaît quand jadis le conjoint disparu revenait sous la forme d’un fantôme, par exemple dans les gentils Ghost ou Always de Spielberg. Cela dit, plutôt qu’une présence surnaturelle avérée, le personnage de morte-vivante permet surtout de matérialiser le souvenir de la défunte. Un souvenir indélébile (telle la déclaration « Nina Forever » que Rob porte tatouée sur l’épaule) et ici envahissant. Malgré leurs efforts pour supprimer dans leur quotidien toute trace de Nina, la belle morte revient encore et encore au cœur des (d)ébats.
Nina Forever n’est pas à proprement parler une comédie. Le scénario ménage quelques saynettes cocasses agréables, histoire de lâcher un peu de pression, cependant le fond de l’histoire de deuil reste grave. Le film joue tout de même la carte de la séduction, non par le biais d’un humour noir (qui n’aurait pas été incongru dans une production de ce genre, qui plus est britannique), mais grâce à un érotisme morbide assez surprenant : les scènes de lit à trois, trempées du sang de la morte, ont de quoi indisposer du monde mais sans doute pas les âmes gothiques qui versent volontiers dans le romantisme noir (comptez notamment une scène nocturne de sexe au cimetière, ainsi que plusieurs apparitions, dans la bande son, d’Amanda Palmer). Nina, jamais vraiment effrayante (ce n’était pas le but), est jouée avec beaucoup de conviction par Fiona O’Shaughnessy, qu’on connaît peu, habituée des rôles de second plan depuis ses débuts dans Warlock 3 en 1999. Mais Nina Forever est surtout l’occasion de découvrir Abigail Hardingham, qui prête ses traits et ses courbes à Holly. Jusqu’ici abonnée aux petits rôles dans des séries télé, Hardingham, peu farouche, apporte avec aplomb un cachet sensuel qui compte autant dans la réussite du film que la mise en scène soignée de Ben et Chris Blaine. Et il faut bien parler aussi du sommet masculin du triangle, campé par le dénommé Cian Barry qui, lui non plus, n’a pas eu, avant Nina…, tellement d’occasions de briller. Un comédien au jeu très naturel, aussi sincère que l’œuvre elle-même. On peut aujourd’hui découvrir Nina Forever grâce au DVD et au blu-ray disponibles depuis février dernier (en import UK seulement ; il faut comprendre l’anglais !). En France, le film des frères Blaine (il s’agit de leur premier long métrage) était au programme de l’édition 2015 de l’Étrange Festival.