Sitôt la séance du film de Ang Lee expédiée ce samedi soir-là (16 mai), les marches du palais des Festivals ont été piétinées par 2300 spectateurs avides de frissons, venus assister à une séance de minuit traditionnellement réservée aux films hors compétition. Sur le tapis rouge, les deux actrices principales de Ne te retourne pas –Sophie Marceau et Monica Bellucci, venues offrir aux objectifs l’une son sourire radieux, l’autre sa moue inexpressive légendaire– et une partie de l’équipe du film s’étaient réunies autour de la jeune réalisatrice de Dans ma peau (2002) pour défendre l’aboutissement d’un projet qui aura demandé quatre années de travail et de recherches de financement avant d’être projeté sur grand écran.
D’après une idée originale de la réalisatrice elle-même, ce film de 110 minutes raconte l’histoire de Jeanne. Ecrivain et journaliste, elle aspire désormais à laisser de côté sa production de récits historiques et touristiques pour se consacrer à la fiction romanesque, malgré les réticences de son entourage à la lecture de son manuscrit. Pour l’améliorer, Jeanne décide faire un travail sur elle-même. C’est à partir de ce moment-là que la jeune femme constate des changements autour d’elle qui la troublent mais dont son entourage ne semble pas s’apercevoir…
Avec ce deuxième long métrage, Marina de Van a décidé de s’amuser en proposant un jeu de pistes tant pour les personnages que les spectateurs. On se retrouve emprisonné dans une narration qui, certes, a un peu de mal à se mettre en place, mais qui nous entraine à corps et âme perdus dans une spirale frénétique, pieds et poings liés par la focalisation interne constante du personnage de Jeanne pour qui tout bascule. Le spectateur épouse son trouble et se fait le chercheur de la vérité. La réalisatrice nous donne les clés de l’intrigue mais c’est à nous de trouver la porte, la serrure et de trouver le sens dans lequelle tourner la ou les bonne(s) clé(s).
Le moins que l’on puisse dire c’est que la petite Alice du Pays des Merveilles qui sommeille en chacun de nous se plait à déambuler dans ce labyrinthe de Pan où tout ce qui est certain devient inévitablement caduc. Les effets spéciaux, très bien dosés, participent de notre état d’entre-deux-vérités. Le maquillage notamment nous fait perdre complètement toute notion du réel et nous plonge dans le doute plus complet. Qui est qui ? Que se passe-t-il vraiment ? Le tout est ficelé par une mise en scène minutieusement soignée. On regrettera cependant le jeu très médiocre des deux stars Sophie Marceau et Monica Bellucci dont la présence presque fantomatique à l’écran ne fait pas honneur à l’écrin esthétique cuisiné par le metteur en scène.
Avec Ne te retourne pas, Marina de Van réalise un coup de maître. Voilà enfin un film qui masturbe l’intellect du spectateur ce qui est malheureusement trop rare au cinéma ces dernières années. Une seule certitude avec ce long métrage : il fera réagir qu’on l’aime ou qu’on le déteste.
Sortie sur les écrans français le mercredi 3 juin 2009.