Créateur de Blueberry, d’Arzach et de L’Incal, pilier de « Pilote », cofondateur de « Métal hurlant » : Mœbius (Jean Giraud) était une référence de la culture BD et du cinéma mondiale. Il est mort ce samedi 10 mars 2012 des suites d’une longue maladie.
Jean Henri Gaston Giraud (son vrai nom), qui signait également Gir certaines de ses oeuvres, aurait eu 74 ans en mai.
Pour beaucoup, il reste l’un des créateurs les plus audacieux du genre, un pionnier à l’influence considérable, auquel la Fondation Cartier pour l’Art contemporain avait rendu un hommage majuscule, en 2010-2011, en organisant une rétrospective de ses oeuvres au style unique et en perpétuelle évolution.
Pour Benoît Mouchart, directeur artistique du festival international de la BD d’Angoulême, l’un des plus grands salons du 9e Art, « la France perd l’un de ses artistes les plus connus dans le monde. Au Japon, en Italie, aux Etats-Unis, c’est une incroyable star, qui a influencé la BD mondiale ».
« Je pèse mes mots : Moebius restera dans l’histoire du dessin, au même titre que Dürer ou Ingres », a-t-il dit à l’AFP.
« Toute la profession est sous le choc, totalement effondrée, même si on savait qu’il était gravement malade », a déclaré à l’AFP le secrétaire général de l’Association des critiques de BD (ACBD), Gilles Ratier.
Après une enfance à dessiner des cow-boys et des indiens et une formation à l’Ecole des arts appliqués, Jean Giraud, né le 8 mai 1938 à Nogent-sur-Marne, avait commencé à publier ses premiers dessins publicitaires et de mode à 18 ans, avant de collaborer à des illustrés comme Fripounet et Marisette.
De retour de la guerre d’Algérie, où il fit son service militaire, il commence à publier une série western dans le magazine Spirou, puis dans Pilote. C’est ainsi que naissent les aventures du lieutenant Blueberry.
Mais Moebius, c’était aussi et même surtout pour ses adeptes, un chaman féru de fantastique et de science-fiction : à la fin des années 60, il créera le pseudonyme de Moebius, emprunté à un mathématicien allemand. C’est sous ce nom d’emprunt qu’il a réalisé la série L’Incal, être mystérieux et double – l’Incal Lumière et l’Incal Noir – aux pouvoirs surpuissants mais pas maléfiques, scénarisé par le réalisateur chilien Alexandro Jodorowsky.
« J’ai deux pôles, deux gestes. Quand je suis dans la peau de Moebius, je dessine en état de transe, j’essaye d’échapper à mon moi », expliquait-il à l’AFP à l’occasion de son exposition à la Fondation Cartier.
Avec la disparition de Jean Giraud, « ce sont deux grands artistes que nous perdons », a justement réagi le ministre de la Culture Frédéric Mitterrand. « Par son rayonnement et ses fulgurances, il fit de la bande dessinée ce neuvième art qui a accompagné mon existence, auquel le Festival international d’Angoulême rend justice chaque année », ajoute le ministre.
« Le grand Moebius est mort aujourd’hui, le grand Moebius est encore vivant » a écrit sur son compte twitter l’écrivain brésilien Paulo Coelho, dont Moebius avait illustré le roman L’Alchimiste, en 1995. Ajoutant en anglais: « Ton corps est mort ce jour mais ton travail reste plus vivant que jamais ». (AFP)