Dans Nid d’espions à Alpha-Plage (Serge Clerc), le critique rock Phil Perfect surveille d’un œil aiguisé tous les individus un peu louches qui traînent avec une nonchalance feinte dans une station balnéaire à la morte saison ; les estivants du Camping rouge (Ph. Manœuvre et L. Cornillon) voient débarquer des braqueurs de banque novices cherchant à fuir les gendarmes en se planquant sous les tentes ; un règlement de comptes tendu et inattendu oppose les protagonistes de L’Univers est bien petit (Mœbius) et dans London Girl (Kent Hutchinson), la capitale anglaise en pleine période punk/new wave se dévoile au regard d’un lycéen frenchie en plein séjour linguistique initiatique…
Il y a tout ça et bien d’autres choses dans ce Métal Hurlant #6, qui réédite (selon la cadence établie d’un numéro sur deux) des planches parues initialement dans la première série du magazine, entre 1975 et 1987. Un best-of de diversité (les artistes travaillent en couleurs ou en noir et blanc, aucun ne dessine comme ses voisins, certains ambitionnent d’inquiéter le lecteur, d’autres faire rêver, d’autres rire…) dans lequel sont aussi distingués des noms fameux tels que Marc Caro, Frank Margerin, Tardi, Caza… Impossible de tous les citer ici, disons simplement que chacun contribua à ce « mouvement artistique » (ainsi que le rappelle Serge Clerc dans une longue interview de 15 pages) que fut Métal Hurlant, ovni éditorial surgi en pleine France giscardienne, à l’époque interdit aux mineurs et qui fit claquer la bannière de la BD française jusqu’aux États-Unis. Ainsi la naissance, début 1977, du titre Heavy Metal, « cousin d’Amérique » reprenant les planches parues en France et dont l’histoire est elle aussi relatée dans ce numéro, au fil de six pages très documentées signées par Nicolas Labarre, maître de conférences en Civilisation américaine à l’Université de Bordeaux Montaigne. Ne ratez pas non plus les pages tirées de l’impressionnant Gail de Philippe Druillet (et son hommage pictural saisissant à L’Île des morts, le tableau d’Arnold Böcklin) et le glaçant autant que fascinant L’Esclavage, c’est la liberté de Chantal Montellier, cauchemar orwellien à même de faire tressaillir d’effroi tous les partisans des Arts, de la fantaisie, de l’imagination et de la beauté.
En kiosque et en librairie depuis le 22 février 2023.