D’un sérieux toujours inébranlable, la littérature de Lovecraft peut-elle s’accommoder d’un peu d’humour ? Car c’est entendu, on ne se bidonne pas en lisant les « contes » horrifiques du maître, mais comme le souligne à moult reprises ce nouveau numéro de Métal hurlant, l’œuvre de l’auteur américain est tellement riche, et son influence tellement prégnante dans tant de médias actuels, que les figures les plus emblématiques nées de son imagination — Cthulhu en tête — se prêtent à tous les délires et toutes les fantaisies.

Parmi ces « 216 pages de bande dessinée » (c’est ce que dénombre la quatrième de couverture) toutes consacrées à Lovecraft, on tombe donc sur des choses joyeusement inédites issues des créativités les plus diverses. Attention, certaines planches sont très « sérieuses », elles s’inspirent des ambiances lovecraftiennes pour en restituer toute l’angoissante étrangeté (c’est le cas d’Ils sont arrivés de Valentin Ramon, ci-dessous, et des noirs et blancs terrifiants de Juliette Pinoteau, qui signe, avec Le Cauchemar, cinq pages d’une horreur autobiographique et métaphorique stupéfiante). Mais d’autres se laissent volontiers aller à des débordements rigolos qu’on prend le plus grand plaisir à découvrir (page 189, par exemple, vous attend Monkey Business de J.-L. Cornette et Ch. Durieux, un « King Kong contre Cthulhu » dans la veine des films où le grand singe se frite avec Godzilla).

La rédaction du magazine est sinon partie à la rencontre de sommités incollables sur la vie et l’œuvre de l’écrivain de Providence. En résulte une interview aux États-Unis avec l’incontournable S.T. Joshi, unanimement considéré comme l’un des plus grands spécialistes mondiaux de la question. L’entretien permet à l’intéressé de nous faire un résumé passionnant de la vie d’HPL (une biographie synthétique qui trouve d’ailleurs son pendant dessiné dans Le Chaos rampant de Pochep, demi-planches des plus amusantes et instructives dispersées en 20 épisodes tout au long de la pagination). Auteur de livres illustrés grand format consacrés à Lovecraft (tel L’Abomination de Dunwich), le Français François Baranger est aussi de la partie, et on en profite pour rappeler que l’artiste graphique est aussi romancier, auteur notamment du triptyque Ars Obscura, non sans rapport avec l’imaginaire lovecraftien, et qu’on vous recommande avec la plus grande ferveur. Et l’on peut aussi prolonger le plaisir en se (re)plongeant dans le très bon Howard P. Lovecraft, Celui qui écrivait dans les ténèbres, biopic dessiné consacré à HPL et sorti il y a quatre ans chez l’éditeur 21 g.

N’en disons pas plus, sinon qu’au bout du compte, ce numéro de Métal… est sans doute le plus réussi depuis le fameux numéro 7, « la monstrueuse parade », de glorieuse mémoire, sorti l’an dernier. Et franchement, ce n’est pas rien.

Disponible depuis fin août en kiosque et en librairie.