Croiser les styles, voilà un des secrets de la créativité. Pierre Pevel, « fleuron de la fantasy française » (tel que le souligne l’éditeur en quatrième de couverture, à juste titre), l’a très bien compris en imaginant le monde fabuleux du Paris des merveilles, soit une capitale française des années de la Belle Époque fusionnée avec un univers de fantasy : peu après le règne napoléonien, après des siècles et des siècles de clandestinité, les fées, gnomes, elfes, toutes les espèces de l’OutreMonde ont choisi de révéler leur existence aux humains. D’où une ville de Paris du début du XXème fantasmée où il est devenu courant de croiser, de côtoyer, d’avoir pour voisins des ressortissants de la dimension magique.
Comportant à ce jour trois romans (Les Enchantements d’Ambremer, L’Élixir d’oubli et Le Royaume immobile), la série du Paris des Merveilles s’est enrichie il y a deux ans d’un volume supplémentaire, Contes et récits du Paris des merveilles, un recueil de nouvelles dans lequel Pierre Pevel lançait le défi à d’autres auteurs de reprendre à leur compte ses décors et ses personnages (lire ici notre chronique). Bis repetita en 2021 avec d’autres plumes et une autre thématique, celle des gredins et voyous. Passé l’entrée en matière avec le maître des lieux (Un Gnome pour un autre, où Pevel convoque les héroïnes de la série de BD Les Artilleuses, qu’il a cosignée avec le dessinateur Étienne Willem), on trouve cinq autres grandes nouvelles (plusieurs dizaines de pages chacune, et non pas des récits très courts) où les auteurs s’acquittent avec bonheur de la tâche qui leur a été confiée. Les histoires sont toutes intrigantes (avec une mention spéciale à Gris souris d’Annaïg Le Quellec, qui allie non sans brio l’univers de Pevel à celui de Dickens et d’Oliver Twist) et, du fait de la thématique choisie, mettent en vedettes des silhouettes du « petit peuple » des bas quartiers, qui n’ont pas tellement eu voix au chapitre jusqu’ici (les héros des romans sont lettrés et très bourgeois, cela étant dit sans connotation péjorative aucune). Hormis quelques menues fautes de style (comme d’habitude, l’écriture élégante et précise de Pevel est sans faille, mais ses invités laissent échapper deux ou trois vocables modernes qui jurent avec le reste), l’ensemble de l’ouvrage est par conséquent d’excellente tenue et ne peut que plaire aux lecteurs amoureux des aventures et flâneries dans le Paris des merveilles.
En librairie depuis le 1er septembre 2021.