Résumé :
Trois jeunes orphelins, Martin, Gabrielle et Émile, poursuivis pour avoir dérobé une miche de pain, trouvent refuge dans une mystérieuse et sordide abbaye. Bloqués à l’intérieur, ils découvrent un autre enfant, seul et visiblement traumatisé. Ce dernier tient dans sa main une chandelle qui, quand il l’allume, fait apparaître les silhouettes de ses parents décédés et provoque d’étranges phénomènes… Inclus : un cahier de recherches graphiques de 8 pages.
***Rencontre avec l’auteur :
Dans un hôtel, près de la galerie Daniel Maghen, qui expose, jusqu’au 26 octobre 2013, les illustrations de la bande dessinée Lueur de nuit, ainsi que de magnifiques reproductions, nous avons retrouvé Olivier Boiscommun, pour un entretien. Très grand, aux yeux bleus, l’auteur était venu à Paris pour sa journée presse. Malgré ce marathon d’interviews, il nous a accueillis très chaleureusement.
Khimara : Lueur de nuit est une plongée dans un univers magique et fantastique, aux paysages brumeux mais lumineux. Une tempête homérique, une abbaye suspendue au-dessus de l’eau, quelles sont vos sources d’inspiration pour créer cet univers à travers les dessins ?
Olivier Boiscommun : Les dessins ne peuvent être dissociés de l’histoire. Celle-ci s’inscrit dans le registre du conte et joue avec tous les codes que proposent le genre. Le côté fantastique et imaginaire est inspiré par l’univers marin. Par exemple, la sirène ou le kraken ne sont pas traités de manière classique. Ce qui m’intéressait avec l’élément de l’eau c’était de faire monter la tension. Ces personnages sont immergés de plus en plus dans cet univers aquatique ; l’eau est un élément récurrent qui sonne comme une menace. La tension n’est pas seulement créée par ces créatures, comme le passage avec les crabes qui n’ont pas leur place dans une abbaye. C’est le décor qui parle de lui-même et nous immerge dans une atmosphère menaçante. J’ai voulu retranscrire cette force marine, peut-être plus puissante que celle du kraken.
K : Les dessins sont en effet plus puissants parfois que les mots. Mais les mots servent une histoire. Que lisez-vous pour créer vos scénarios ? Vos lectures vous inspirent-elles ?
O B : Le côté fantastique est créé par l’imaginaire et non pas forcément par des lectures. Ce qui me plait dans l’univers du conte, c’est le côté imaginaire qu’il véhicule pour le lecteur. Ce dernier accepte d’emblée qu’on lui raconte une histoire qui n’est pas réelle. Son imaginaire travaille beaucoup et l’histoire fait parfois écho à ce qu’il a vécu ou vu dans la réalité.
K : Vous écrivez un conte, dont les enfants sont les héros. Tout est lié. Mais pourquoi ces personnages ; ces trois orphelins de la rue, et un autre orphelin qui vient de perdre ses parents ?
O B : Les enfants de la rue est un thème récurrent quand je travaille tout seul à mes scénarios. Ils sont livrés à eux même, confrontés à leur destin. Je peux retranscrire leurs peurs et leurs angoisses les plus profondes. Les enfants et adolescents qui n’ont pas le soutien et la sécurité d’un environnement adulte, me touchent et me préoccupent pour des raisons personnelles. J’aime aussi raconter leurs histoires parce que je connais un petit peu la question. C’était aussi mettre des personnages qui ont déjà des failles dans la vie quotidienne devant une situation déstabilisante. Et, tout le monde connaît ces personnages. Si on n’a pas le temps dans l’histoire de raconter leur passé, chaque lecteur peut se l’imaginer ; ces personnages font écho.
K : On l’imagine et on l’entend aussi. Ce qui m’a plu c’est le décalage entre la légèreté créée par leur langage et l’atmosphère menaçante de l’histoire. Comment définiriez-vous ce langage, un mélange d’argot actuel et de mots plus anciens, où l’avez-vous entendu ?
O B : Il m’est apparu évident que ces enfants devaient avoir un langage propre. Ce sont des enfants exclus de la société dans laquelle ils évoluent. Ils créent un langage qui leur est propre, une manière de s’affirmer dans leur différence et de rejeter la société. Je me suis inspiré de l’argot et d’un langage plus ancien, de l’argot parisien début XXème siècle. J’ai fait un gros travail d’écriture par rapport aux dialogues, pour que même en utilisant des expressions connues, inconnues, existantes ou parfois même inventées, restent compréhensibles par tous, aussi bien par les enfants que par les adultes.
K : Vous prenez plaisir à dessiner, à faire ce travail d’écriture, on s’en rend rapidement compte, mais n’y a-t-il pas un aspect plus délicat et difficile lorsque l’on crée une BD ?
O B : La partie la plus difficile c’est la constance. Faire une BD, c’est le travail d’une année complète, année durant laquelle on est en complète immersion dans la création. Au début, on est toujours porté par une énergie nouvelle. On a plein d’idées, plein d’envies et les choses se font très facilement. Ce qui est difficile c’est de réussir à garder cette même exigence tout au long de l’album. Et, en même temps, c’est ce qui très intéressant ; c’est dans la difficulté que l’on fait les meilleures choses.
K : Revenons à l’atmosphère de Lueur de nuit, qui met en avant l’idée de lumière, avec la bougie qui ne doit pas s’éteindre. La lumière connote-t-elle quelque chose de particulier pour vous ? Car elle était aussi présente dans votre précédente BD La Cité de l’arche.
O B : Oui comme tout le monde, c’est un symbole fort, c’est la vie. Elle permet aussi des choses intéressantes graphiquement, comme produire des éclairages particuliers sur les personnages, créer une atmosphère inquiétante et jouer avec ses possibilités.
La lumière c’est aussi la foi. A un jeune qui voudrait se lancer dans cette aventure de création, je lui dirai qu’il doit vraiment en avoir envie malgré les difficultés.
K : Et quel est votre projet futur pour que nous puissions vous suivre ?
O B : Le projet Lueur de nuit s’est terminé depuis quelques mois, nous attendons sa mise en avant. Je démarre une série qui sera réalisée en deux albums. L’aventure avec Lueur de nuit s’est prolongée sur trois mois après la fin de sa création, par la réalisation de plusieurs illustrations en vue de l’exposition à la galerie Daniel Maghen. J’ai donc continué à vivre avec ces personnages en dessinant des paysages isolés de l’histoire mais liés et associés à elle.
K : Pour finir, en trois mots, comment définirez-vous votre BD Lueur de nuit ?
O B : Voilà, LUEUR DE NUIT.
Exposition à la galerie Daniel Maghen du 9 au 26 octobre 2013.