Lloyd Singer travaille au FBI, mais n’y voyez rien de passionnant : il est comptable. Il dispose pourtant d’un don particulier, car il est aussi Makabi, redresseur de tort masqué qui apparait lorsque ses proches ont besoin de lui. Mais c’est pour sa capacité à nouer des relations avec la gente féminine que l’agent La Bianca fait appel à lui. Il a récemment recueilli Zénaïde, une jeune femme russe échappée d’un réseau de proxénétisme, et a besoin de Lloyd pour que cette dernière accepte de donner les noms de ses anciens tortionnaires. Tout ne va cependant pas se passer exactement comme prévu…
Bamboo n’a pas ménagé ses efforts pour intégrer cette série à sa collection Grand Angle. Tout a en effet été fait pour lui offrir un nouveau départ : réédition des volumes déjà parus, nouvelle maquette et couverture, changement de nom… C’est en quelque sorte un contrepied au choix narratif fait par les auteurs sur ce premier tome consistant à plonger le lecteur directement dans l’histoire sans préambule. Pas d’introduction au personnage de Makabi, pas d’introduction à l’intrigue de ce premier cycle; le récit ne revient même pas sur la manière dont Lloyd lui-même s’est retrouvé impliqué dans cette affaire.
Cet étrange sentiment d’avoir manqué le début disparait cependant bien vite, tant le rythme se révèle soutenu et maitrisé. L’originalité des thèmes abordés n’y est pas pour rien. Lloyd Singer ne parle pas d’un nième complot politique ou financier, mais de proxénétisme et d’esclavage sexuel. Le sujet, bien sordide, est mis en scène de manière frontale mais avec sobriété, sans fausse pudeur mais sans voyeurisme non plus.
Cette recherche de l’efficacité transparait parfaitement dans l’utilisation des éléments fantastiques – oui, la présence de cette critique sur Khimaira est tout à fait justifiée, nous y arrivons ! Ceux-ci sont en effet très légers et viennent rythmer le récit sans jamais en devenir un enjeu. Il s’agit d’ailleurs de fantastique au sens premier du terme, cette frontière fine où l’on ne peut trancher entre le merveilleux et le réel : il n’est pas dit si Makabi est véritablement une émanation surnaturelle de Lloyd Singer, ou s’explique comme le simple effet de bord d’un trouble psychologique tout ce qu’il y a de plus réel.
A ce titre, le changement de titre opéré par la série, de Makabi en Lloyd Singer, est moins insignifiant qu’il n’y parait et se révèle tout à fait justifié. Car le héros de l’histoire est sans discussion possible Lloyd Singer, ce simple comptable du FBI qui ne paye pas de mine – un sosie de Woody Allen, c’est dire – mais que l’on retrouvera avec bonheur pour le second tome.