…comme on dirait le turron d’Alicante ou le gaspacho de la Mancha. Dans le pays basque espagnol, Zugarramurdi est célèbre pour ses sorcières et pour le procès qui s’y tint en 1610 sous l’autorité des prêtres toujours zélés de l’Inquisition. Une quarantaine d’hérétiques présumés (il y avait des hommes dans le lot) furent jugés, une demi-douzaine connut les flammes du bûcher. Dans le film qui nous intéresse ici, une bande de braqueurs en cavale s’arrête dans le pueblo maudit. Ils vont devoir se dépêtrer des griffes d’une horde de marâtres en folie en pleine préparation de sabbat…
Au terme de la projection, deux moments restent en mémoire : l’ouverture burlesque — un braquage invraisemblable exécuté par une équipe de bras cassés — et la bamboula conclusive, réunion de sorcières dominée par l’apparition d’une incroyable créature dont les mensurations mammaires felliniennes permettent à coup sûr à Federico de l’apercevoir depuis l’au-delà. Entre les deux, eh bien, on n’est guère à la fête, justement, avec cette cavale sous forme de road trip qui a tôt fait de s’enliser dans la bourgade. Comme dans Une Nuit en enfer de Robert Rodriguez, les desperados à la petite semaine échouent dans un repaire de créatures maléfiques, ici une assemblée de « brujas » dirigée par Carmen Maura, toute en faux sourires et hystérie contenue, jusqu’à ce qu’elle lâche franchement la vapeur dans la dernière demi-heure.
On aurait aimé découvrir avec ces Sorcières… un film généreux, où les tracas des héros auraient donné lieu à des péripéties jubilatoires. Incontestablement, Alex de la Iglesia ne manque pas d’idées de mise en scène, mais sa loufoquerie macabre paraît forcée, inauthentique. Les sorcières constituent 99% des personnages féminins, elles ne font pas peur et pas davantage sourire : ce sont toutes des foldingues revanchardes ou possessives, des furies qui ne font que courir en tous sens et hurler. Un parti pris qui a valu à de la Iglesia d’être taxé de misogynie, mais signalons que les protagonistes masculins — un défilé de cons, immatures ou veules comme ce n’est pas permis — ne sont guère mieux lotis. C’est donc plutôt la misanthropie qui guette le cinéaste espagnol, et sa galerie de portraits tous antipathiques rend difficile l’adhésion à cette histoire d’apocalypse des sexes version crapauds & chaudron. Avant la sortie du film, le bonhomme a admis avoir noirci les pages de son scénario en gardant à l’esprit le souvenir d’un divorce très pénible… La peine, la rancœur et l’aigreur ne sont sans doute pas les muses les plus bienveillantes.
Film sorti dans les salles le 8 janvier 2014.