« L’auteure, Anne Sibran, a été particulièrement touchée par le sort des enfants rwandais pendant et après le génocide. Tous les enfants, ceux des victimes et ceux des bourreaux. Comment vivre avec des parents qui ont commis des atrocités contre les proches, les voisins, les camarades d’école ? Comment retrouver ce peu d’humanité sans quoi la relation parents enfants en peut être restituée. Dans ce conte, des êtes être humains étaient devenus des « bêtes d’ombre » qui avaient perdu la mémoire des mots ; seuls leurs enfants pouvaient les sauver. Ce conte est inspiré par le génocide qui a eu lieu au Rwanda du 6 avril au 4 juillet 1994. »
Sources : Gallimard Jeunesse.
Avis : Des humains qui guettent l’ombre, le moment où tombe la « brunante », celui rare et fugace où les enfants leur murmurent leur nom pour qu’ils ne l’oublient pas, qu’ils restent encore un peu humains. Des parents transformés en ombres, en Bêtes d’Ombre dont les enfants ne doivent pas voir le visage, ce sont eux les enfants qui guident le groupe vers la forêt dans laquelle ils vont pénétrer à la suite d’une fourmi dorée, tâche de lumière d’espoir dans ce monde noir.
Cette quête va les guider jusqu’à une clairière et à un arbre dans lequel vit un être étrange vielle femme aux multiples bras Apamama. Guidés par Petit Frère et Grande Sœur, ces enfants vont poursuivre leur quête, échapper à la barbarie et trouver la lumière, la vie.
Un conte impressionnant, pour lequel il est peut être difficile d’entrer : mais ne vous laissez pas impressionner, ouvrez ce livre, laissez vous porter par le texte, les mots, l’histoire.
Un album, grave, à la langue précise, efficace, qui trouve un écho dans les illustrations de Stéphane Blanquet. Illustrations fantastiques, qui donnent si besoin était, une profondeur et un relief tout particulier, donnant forme et vie aux cauchemars des enfants, donnant vie aux monstres que sont devenus leurs parents, leur monde. Un réussite impressionnante.
Cet album appartenant à la Collection Giboulées de chez Gallimard Jeunesse est clairement destiné aux plus grands, ne vous y trompez pas. Aux adultes (par le thème et les illustrations) et aux plus grands des enfants en lecture commune et aux adolescents pour découvrir un pan terrible de notre histoire.
L’auteur : Anne Sibran est née en 1963. Après des activités théâtrales, un DEA de philosophie et une licence d’ethnologie, elle devient écrivain pour la jeunesse et signe plusieurs ouvrages dont Hugo et les lapins ( Rageot, 1991) ou le Clown et la belle cuillère (Milan, 1995). Elle écrit également des romans « adulte » comme Bleu Figuier (Grasset), Je suis la bête (Gallimard, collection Haute Enfance) et des scénarios de BD dont le superbe La Terre sans mal, dessiné par Lepage (Dupuis).
L’illustrateur :Stéphane Blanquet est né en 1973 . Il démarre très jeune au sein du fanzine Atomik. A 16 ans, il fonde sa propre maison d’édition, Chacal Puant, et publie quelques pointures de la BD alternative tels que Matt Konture ou Blex Placid. En 1996, la publication de Monstrueuse, regroupant plusieurs jeunes auteurs, est récompensée par l’Alph’art du meilleur fanzine. Outre son activité de dessinateur, Blanquet est également illustrateur pour Libération, les Inrockuptibles ou Nova Mag. Il aborde avec le même coup de patte les récits autobiographiques et les délires difformes et bizarres.
Sources : Gallimard Jeunesse.