L’enfant seule est un ouvrage illustré sans texte, en noir et blanc, qui met en scène avec douceur et subtilité la solitude d’une enfant.
L’auteure chinoise, Guojing, explique au début que le récit est inspiré de son enfance, mais sublimé en une fable fantaisiste, qui n’est pas sans rappeler un Mon voisin Totoro.
Ici, tout réside dans l’art du découpage, qui oscille entre album et bande dessinée :
– la première planche : le cadre de l’histoire (un appartement dans une ville sous la neige), 3 cases en lecture verticale qui imitent un zoom opéré par un spectateur omniscient ;
– la deuxième planche : une présentation des personnages et du contexte en seulement 9 petites cases/scénettes ;
– la troisième planche : une illustration pleine page qui illustre le thème du récit : la solitude, exprimée par cette enfant de dos qui regarde la porte fermée.
Ses parents absents, la petite fille s’ennuie vite et, pour combattre l’isolement, décide de partir voir sa grand-mère. Perdue, la petite fille fera un voyage métaphorique merveilleux qui finalement la ramènera auprès de sa famille.
Les dessins ont un rendu crayonné un peu enfantin (mais fourmillant de détails), le noir et blanc renvoie au passé, et les textures lisses créent une ambiance feutrée.
À aucun moment le texte n’est nécessaire. Nous savons déjà que le principe de la bande dessinée est de représenter un récit plutôt que l’écrire, de l’illustrer plutôt que le décrire. C’est parfait pour l’action, le mouvement, le dialogue… La bande dessinée sans texte est un défi de plus : comme dans la BD traditionnelle, il s’agit de retranscrire les émotions des personnages et leurs interactions, mais ici sans dialogue ou voix off.
L’absence de parole renvoie à la solitude de l’enfant, seule face à elle-même, ses pensées, et ce monde. Paradoxalement, les interactions entre les personnages, qui communiquent aussi entre eux, sont très bien rendues par les dessins qui les mettent en situation et les détails des expressions sur leurs visages.
De nombreuses illustrations pleines pages (voir même en double page) rapprochent cet ouvrage de l’album, c’est un parti-pris qui donne toute son amplitude au monde merveilleux visité par l’enfant et aux êtres gigantesques rencontrés. Une invitation au voyage que l’on s’empresse d’accepter.
L’idée n’est donc pas de faire une bande dessinée traditionnelle, mais de raconter un récit avec les moyens s’adaptant le mieux à sa sensibilité et sa profondeur. Avec l’enfant seule, Guojing crée un véritable “récit graphique” ; ni album, ni BD, un peu des deux selon la nécessité.
C’est beau, et ce n’est pas triste, malgré le thème. Au contraire, l’auteure fait ressortir toute la magie et l’amour de l’enfance, sans jamais tomber dans la nostalgie mélancolique.
Bien que le style et l’absence de texte le destinent aux enfants, il me semble que le thème touchera plutôt les parents qui sauront aussi mieux apprécier le monochrome.
Quoi qu’il en soit, il s’agit d’un livre illustré à partager en famille, qui ne laissera personne indifférent.
Pour ces raisons, on félicite l’éditeur Comme des géants de le faire découvrir à un public francophone ; nul doute qu’il saura aussi séduire un éditeur français et sera bientôt disponible en France !
Le Mot de l’éditeur :
« Une petite fille s’éloigne de chez elle et se perd. Elle rencontre un mystérieux cerf
qui l’entraîne dans la forêt profonde, au cœur d’un monde étrange et merveilleux.
Mais, au bout d’un moment, la fillette s’ennuie et veut rentrer. Retrouvera-t-elle
le chemin de sa maison ?
Une magnifique bande dessinée sans texte où l’auteure dépeint avec brio les émotions
d’une enfant, oscillant entre la solitude, la peur, l’amitié et l’amour. »
