Deuxième album de l’année pour Anna Brunner, chanteuse au sein d’Exit Eden mais aussi à la tête de League of Distorsion. Le quatuor allemand sort demain son second LP Galvanize. Interview. 

Khimaira : Bonjour, Anna. Figure-toi qu’au début de l’année, j’ai eu une interview avec Clémentine d’Exit Eden, juste après avoir écouté le dernier album Femmes fatales, que j’ai beaucoup aimé…

Anna Brunner : Oh, c’est vraiment cool ! Merci beaucoup !

…et je dois dire que Galvanize ne sonne pas du tout pareil. Le contenu des paroles est également très différent. Dirais-tu que la musique de League of Distorsion est plus personnelle et qu’elle reflète davantage tes ambitions artistiques ?

Oui, tout à fait. Ce sont deux styles musicaux très différents. Tu ne le sais peut-être pas, mais l’idée de former un groupe comme LoD m’est venue avant même les débuts d’Exit Eden. Cela a toujours été mon souhait et j’ai finalement pris le temps, pendant la période du Covid, d’élaborer des idées pour monter ce projet et trouver un son qui correspond totalement à ce que je veux faire. J’ai creusé des questions qui me tenaient à cœur, réfléchi à des sujets que j’aimerais aborder dans les textes. Et donc, bien sûr, le résultat est tout à fait personnel. Maintenant, on peut trouver des points commun d’un groupe à l’autre : en tant qu’autrice-compositrice, je m’attache toujours à faire passer un message d’auto-émancipation. J’essaie toujours de l’adapter au style, et, dans le cas d’Exit Eden, à l’univers plus sombre du metal symphonique.

La chanson Galvanize parle de l’apathie, c’est bien ça ? Dans le film Seven de David Fincher, le personnage que joue Morgan Freeman dit que c’est un des grands fléaux actuels. Es-tu d’accord avec lui ?

C’est un film que j’ai vu, en effet. Disons que j’aime écrire des textes ouverts à l’interprétation, chacun peut y trouver un message qui correspond à sa situation personnelle. Pour Galvanize, j’ai choisi des mots issus de l’univers du jeu, comparant la vie à un jeu vidéo. Mais la vie, ce n’est pas un jeu, et la chanson vise à encourager les gens à se libérer de leurs chaînes ou de tout ce qui les retient.

Tes textes portent un regard très critique sur le monde d’aujourd’hui. D’après toi, quelle est la pire chose aujourd’hui contre laquelle nous devrions tous être en colère ? Ou bien la chose qui te met le plus mal à l’aise ?

Oh là là ! Si tu me lances là-dessus, on y sera encore demain ! Je reconnais que la colère est pour moi un carburant, mais je ne veux pas donner l’air de me plaindre ou juste étaler ma rage contre ceci ou cela. Comme je disais à l’instant, la clé est de trouver en soi la force de surmonter des situations difficiles. En l’occurrence avec l’aide de la musique.

Te dis-tu parfois que la vie était plus agréable dans le passé, et que tu aurais préféré naître quelques décennies plus tôt ? En tant que personne ou en tant qu’artiste…

Chaque décennie a ses problèmes, ce serait un peu vain d’éprouver ce genre de regrets. Je m’efforce simplement de tirer le meilleur parti de ce monde en espérant, par la musique, motiver les gens à s’accrocher, à y mettre du leur pour nous arrivions tous à rendre la vie meilleure…

Dans le clip de la chanson Chainsaw, il y a un type en costume qui ne correspond pas vraiment à ce profil humaniste. Il me semble qu’il est la représentation symbolique de quelque chose…

Oui, le type dans la vidéo est à l’image de toutes les personnes brutales qui parviennent à une position privilégiée par la trahison et la tromperie. Et la fille effrayante en robe blanche, armée d’une tronçonneuse, représente une puissance supérieure. C’est l’esprit de la justice qui apparaît sous la forme incarnée d’un personnage de récit d’horreur et qui compte bien faire payer au bonhomme le prix de sa malveillance.

Et sans allégorie aucune : y a-t-il eu un jour autour de toi quelqu’un que tu aurais volontiers châtié avec une tronçonneuse ?

Ah ah ! J’adore cette question ! Oui, et pas qu’une… Mais pas besoin de tronçonneuse, j’espère bien que c’est le karma qui s’occupera d’eux.

Au milieu de la tracklist, il y a cette chanson, What’s Wrong With Her ?, qui ne ressemble pas tout à fait au reste de l’album. Elle est plutôt amusante, je l’aime beaucoup. Elle commence avec des tonalités à la Danny Elfman, puis des voix metal plus dures apparaissent. De quoi la chanson parle-t-elle exactement ?

Merci beaucoup, je suis très contente si tu l’aimes. En effet, les contrastes et le mélange des styles dans cette chanson la rendent amusante. Cela dit elle traite d’un sujet très important à mes yeux. What’s Wrong With Her ? parle en fait de la jalousie et de la rivalité entre les femmes, et comment elles en viennent à parler dans le dos des unes et des autres, sans jamais se dire les choses franchement ou aborder les problèmes directement. Jusqu’ici, j’ai eu beaucoup de chance avec les femmes avec qui j’ai travaillé, mais je sais que ce ne se passe pas toujours ainsi. Je suis convaincue cependant qu’en étant honnête, généreuse et directe, on peut résoudre la plupart des problèmes ou même éviter que certains problèmes ne surviennent.

Je ne sais pas ce qu’il en est en Allemagne, mais ici en France, la musique metal est — lentement — de plus en plus acceptée par le grand public. Penses-tu que cette évolution est une bonne chose, ou crains-tu que ce style de musique et ce mode de vie ne finissent par se dissoudre dans la culture mainstream ?

Je pense que c’est une excellente chose ! J’aimerais que le metal touche encore plus de monde, tant cette musique est puissante et forte. Si cela signifie que de plus en plus de gens viennent à en écouter, c’est parfait. Mais s’il faut pour ça que la musique metal s’affadisse ou s’adoucisse pour toucher un plus grand public, là, je ne suis pas d’accord.

Tu as lancé League of Distorsion il y a deux ans et le groupe est apparu sur scène à de nombreuses reprises. Quel est ton meilleur souvenir de concert jusqu’à présent ?

C’est difficile pour moi d’en distinguer un dans le lot, mais les meilleurs souvenirs sont par exemple le concert à Summer Breeze et celui à Rockharz Open Air. La tournée avec Kamelot à travers l’Europe, également, ainsi que la dernière tournée avec Cypecore : nous nous connaissons tous depuis des années, c’était un peu comme une réunion de famille !

Et dis-moi : est-ce toujours facile de faire ressortir ton énergie furieuse à l’instant où tu poses le pied sur scène ?

Encore une excellente question ! En fait, l’énergie me vient dès la première note de la première chanson. Ce n’est pas seulement de la colère, c’est aussi de l’énergie et j’aime toucher et choquer les gens pour qui nous jouons. Et le fait d’avoir choisi un nom de scène, ça m’aide aussi à ce niveau. Quand je monte sur scène, je laisse Anna derrière moi et je deviens Ace, la chanteuse de League of Distortion.

Propos recueillis en octobre 2024. Remerciements à Anaïs Montigny (SLH Agency, Lyon) ainsi qu’à Juliane Baier et Sarah-Jane Albrecht (Napalm Records Berlin).

Sortie de l’album Galvanize de League of Distorsion le 25 octobre 2024.

Site officiel du groupe