À quoi ressemblera le monde en l’an 2300 et des poussières ? Ou plutôt en l’an « 99 Après le Grand Exode » : lorsque le récit débute, les citoyens de la ville de Mondargent s’apprêtent à célébrer le centenaire du Grand Départ, qui vit des millions d’individus quitter notre planète, un monde à bout de souffle, pour s’en aller trouver un ailleurs meilleur quelque part dans les étoiles. Que sont devenus ces hommes et ces femmes ? Personne ne le sait, en tout cas aucun n’est revenu chercher ceux qui sont restés, les « Oubliés », qui s’efforcent de continuer à vivre selon le modèle de leurs ancêtres des « Temps perdus » — c’est-à-dire nous — malgré l’épuisement des ressources naturelles. Solitaire, s’abritant dans un camping-car, Ezra est un orphelin de 17 ans qui vit de petites combines et de débrouille. Il fréquente quand même le lycée, surtout parce qu’il peut y côtoyer Céleste, une belle jeune fille, la plus jolie de l’école, maquée cela dit avec un bad boy punkoïde pas spécialement fréquentable…
Le dossier de presse qui accompagne Le Troisième Exode en résume l’esprit en l’apparentant à l’auteur américain John Green. La référence n’est pas absurde car, en effet, un léger parfum de Nos Étoiles contraires plane sur cette histoire dans laquelle les sentiments tendres entre deux jeunes gens s’épanouissent au fil d’une intrigue à l’issue potentiellement tragique (la prolepse narrative des toutes premières pages suggère la mort d’un des deux amoureux). Bon, pas de panique si toutefois les peintures tristes (et chastes) de passions adolescentes ne sont pas votre tasse de thé : le livre, signé de l’auteur suisse Daniel Mat, s’avère avant tout un ouvrage de science-fiction, un essai prospectif ciblé « young adult » puisant sa substance dans des questions qui passionnent beaucoup d’amateurs du genre de tous âges — d’une part celle du futur écologique de la planète et, d’autre part, celle des avancées en matière d’intelligence artificielle. Ezra et Céleste vont choisir de s’engager dans un long périple, et ils ne l’accompliront pas seuls : une présence supplémentaire les accompagne en la « personne » d’une précieuse tablette numérique, siège d’une conscience artificielle qu’ils nomment Tera. La machine aux capacités intellectuelles supérieures en apprend autant aux deux héros qu’elle en apprendra d’eux sur les relations humaines. Les dialogues s’avèrent d’une vivacité très agréable, à l’humour fort bien dosé, et on traverse toute cette aventure avec beaucoup de fluidité (exception faite d’une poignée d’anglicismes agaçants). Passionné de lecture, de jeux vidéo et de cinéma, Daniel Mat déploie un imaginaire hérité du teen movie US autant que de la S.F. post-apo. anglophone et du cyberpunk japonais. Des influences que personne n’aura envie de lui reprocher.
En librairie depuis le 12 mai 2021.