Songez que la France du début du 18e siècle, celle des Mousquetaires et du règne de Louis XV, est un royaume habité de créatures surnaturelles dont l’existence n’est connue que du roi lui-même ainsi que de son prêtre confesseur et des agents du « Secret ». Ceux-ci sont deux : l’Écossais James Darroch, comte de Nairn, et le dénommé Hyppolite d’Arcy, le héros de cette histoire. Ou plutôt l’héroïne : malgré son prénom masculin, Hyppolite est une jeune femme, travestie en homme pour accomplir une destinée d’aventures en principe interdite au beau sexe. Ayant fui son Auvergne natale, Hyppolite de Sancy, fille de baron, apprend à la capitale le maniement de l’épée et, d’une rencontre à l’autre, devient donc l’un des agents du « Secret du roi », ayant pour tâche de maintenir l’ordre parmi la population des vampires, lycanthropes, fantômes, succubes… qui constituent la face cachée du royaume.
Le double thème de l’Ancien Régime peuplé de créatures magiques et de la jeune héroïne évoluant sous une fausse identité fait immanquablement penser à l’étonnante et brillante saga Vampyria de Victor Dixen, ce qui fait que l’on redoute un peu, en s’emparant du volume, de tomber sur une redite. Des craintes balayées dès les premiers chapitres : œuvre de cape et d’épée épique et fantastique, Le Secret du roi trace sa propre voie en se révélant comme un essai passionnant sur la liberté, un idéal traité au travers de multiples personnages et sous de multiples aspects. Ainsi la France des Lumières naissantes devient le théâtre de joutes et d’escarmouches où s’affirment (et nous séduisent) des héros fougueux en lutte contre la tyrannie, qui pèse sous diverses formes — préjugés raciaux ou sexistes, emprise de la morale, oppression politique… De ce point de vue, le catalogue est riche (et les tares dénoncées communes à toutes les époques, notamment la nôtre), et Marie Valente égrène ses idées progressistes avec grande intelligence, au fil d’une intrigue à rebondissements dans laquelle de mystérieux individus font usage de sorcellerie pour menacer la stabilité du royaume. Certes, le rythme du récit pâtit parfois de la pléthore d’ambitions de Marie, mais on n’ira pas lui reprocher de déborder d’imagination (notons que sa version des figures traditionnelles du vampire et du loup-garou s’avère très stimulante) ni de faire preuve d’un humour omniprésent qui contribue aussi à faire du lecteur un complice heureux et conquis.
Disponible en librairie depuis le 4 mai 2022.