Robert Louis Stevenson n’a pas écrit que L’Île au trésor et L’Étrange Cas du Dr Jekyll et de Mr Hyde, les deux romans qui lui ont valu la postérité. Il est aussi l’auteur de poèmes, de récits de voyage, d’essais et de nouvelles, nombreuses, dont Le Voleur de cadavres (The Body Snatcher) en 1883, inspirée d’un fait divers qui fit grand bruit en Écosse. Adaptée au cinéma par Robert Wise en 1945 (avec Boris Karloff et Bela Lugosi), l’histoire de Stevenson est à présent une BD signée par Sebastià Cabot, qui nous transporte dans la bonne ville d’Édimbourg, en 1828.
Fettes est étudiant en médecine, et pour sa condisciple Jane Galbraith, c’est une chiffe molle sans ambition, un dilettante qui ne pense qu’à boire des pintes au pub et laisse filer toutes les occasions. Par exemple devenir le nouvel assistant des prestigieux docteurs Knox et McFarlane, professeurs à la faculté, une proposition en or que le poltron décline parce qu’il a peur des cadavres utilisés dans les cours d’anatomie ! Vexé par le jugement tranché de la jeune femme, Fettes finit quand même par prendre ce poste d’assistant, sans se douter de quoi il retourne exactement…
Étonnante transposition que ce conte macabre doté d’un trait qui pourrait convenir à une bande dessinée humoristique. Le récit, du reste, débute sur le ton léger d’une comédie de situation et de caractères, mais il bifurque au fil des pages vers un horizon beaucoup plus inquiétant. Les pavés de l’Écosse du début du 19e siècle valent bien ceux de l’Angleterre victorienne de Jack l’Éventreur, et la voie empruntée par le misérable Fettes pourrait bien mener tout droit en enfer, ou à la folie. Passé la moitié du récit, adieu les péripéties cocasses, les cadavres s’empilent au fil d’un enchaînement d’actions désastreuses, entraînant l’antihéros au-delà du point de non-retour. Cas d’étude fascinant autant qu’effrayant sur l’importance cruciale du libre-arbitre et la fragilité des repères moraux, des thèmes disséqués avec brio par Sebastià Cabot.
En librairie depuis le 3 janvier 2024.