L’enfer, c’est Bayence : mise en péril par les agissements maléfiques du marquis de Monzag, la cité royale est à présent la proie des « morts-éveillés », autrement dit des zombies nés de la magie du démon Melgoth. Chaque nuit la horde des cadavres rôde, et chaque nuit grossissent ses rangs carnassiers. Pour couronner le tout, les mouches sont partout, infestant les macchabées réanimés et noircissant un ciel où le soleil hivernal n’arrive presque plus à percer…
L’Enfer arrive dans nos librairies presque six ans après la parution du premier volet. Un délai insolite entre deux tomes d’une saga littéraire, aussi on peut redouter, en abordant cette lecture, de ne pas retrouver tout de suite ses marques, d’autant que le livre ne contient aucun résumé des faits précédents. Heureusement, même si la mémoire de quelques détails a besoin d’être ravivée, on ne met pas longtemps à reprendre pied. Il faut dire qu’en 2017, Le Lys noir, I-Faustine a durablement marqué nos esprits. Inventif et alerte, le savoureux mélange de roman de cape et d’épée et de littérature steampunk s’achevait notamment par un événement fort, tragique, qui nous a pris à rebrousse-poil, et par un brusque changement de ton dont on se souvient encore. On n’est alors pas tellement surpris d’être dès les premières pages replongé dans une atmosphère lugubre, face au portrait d’un monde en pleine déliquescence. Bayence est donc devenue un cloaque invivable, les gens terrifiés se calfeutrent derrière les volets sitôt le soir tombé. Il n’y a plus que l’aristocratie, entre les murs bien gardés du palais des Luzes, pour faire encore semblant de s’amuser, quand bien même le roi en personne, incarnation pathétique d’une monarchie à l’agonie, ait tout l’air de partir en morceaux.
Le portrait grotesque du monarque est un des petits plaisirs que nous réserve le roman, cependant on jubile surtout de retrouver Giuseppe, le maître d’armes, et son inséparable comparse Ezéchiel, l’alchimiste-inventeur. Dans les premières pages, l’ambiance n’est pourtant pas à la fête entre les deux hommes, et si vous avez lu le premier tome, vous savez bien pourquoi. Mais l’auteur n’a certes pas le cœur de laisser ses héros — ni ses lecteurs — dans cet état. L’imagination régnant en maître, le récit s’évade ponctuellement loin de Bayence, dans un ailleurs disons inter-dimensionnel, un autre plan d’existence richement peuplé où il nous est donné de savourer des retrouvailles qu’on n’aurait pas osé rêver. Marquée d’une poésie noire et romantique, envoûtante autant qu’inquiétante, l’excursion permet aussi d’introduire de nouveaux personnages, dont un dénommé Rakou au verbe délicieux, à mi-chemin entre le vénérable Yoda et les créatures mécaniques de Benoît Sokal. Chacune de ses répliques est un régal pour l’amateur d’invention langagière et de beau parler, et on peut en dire autant des trois cents pages de l’ouvrage car la plume de François Larzem, entre les deux tomes, n’a rien perdu de son élégance ni de son pouvoir d’évocation. Et ce n’est pas fini : Le Lys noir n’est pas un diptyque, c’est une trilogie dont l’ultime épisode arrivera dans… six ans ? Mais non voyons : le chapitre conclusif, intitulé Le Sanctuaire, trônera dès demain, 14 juin, sur les étagères de votre libraire. Lecture déjà en cours pour l’auteur de cette chronique, on en reparle très très vite…
En librairie depuis le 19 avril 2023.