« Ceux qui admireront la beauté naturelle de ce sommet ne pourront croire que cette montage est maudite parce qu’elle a abrité l’enfer des hommes libres ». Léon Boutbien, matricule 4463, résistant-déporté français RN.
La BD s’ouvre sur l’image d’une petite fille qui se remémore ses souvenir d’il y a longtemps… avant la guerre. Puis on se retrouve dans les rues de Strasbourg avec un groupe de collégiens de troisième et leur professeur qui découvrent la Main Noire une organisation de résistance de jeunes alsaciens. En rentrant Simon, l’un des collégiens appelle sa mamie pour lui demander si elle ne veut pas les accompagner pour visiter le camp du Struthof. Surprise, celle-ci accepte mais avant elle va donner à son petit fils l’occasion de découvrir l’histoire de leur famille avec les cahiers et souvenirs de son arrière-grand-mère Mathilde.
C’est ainsi que s’enclenche la mémoire. Au fil des pages les tons bleus qui font parler nos contemporains, succèdent aux pages noire et marron qui elles nous transportent dans l’histoire de la Seconde Guerre mondiale, et notamment celle de l’Alsace, qui retourne dans le giron allemand après la catastrophe de 1940. C’est là que vont se jouer comme partout ailleurs, des luttes internes terribles et le souffle de la Seconde Guerre mondiale. Ce camps souvent moins connu tant les camps de mise à mort et de concentration de l’est de l’Europe dominent dans la mémoire collective, nous rappelle aujourd’hui par son existence et le Musée, le CERD inauguré en 2005 par Jacques Chirac sur les lieux, que les atrocités de la guerre n’ont pas de localisation toujours obligatoirement précises, qu’elles ont été perpétrées partout et même si près de nous.
La BD en croisant, la visite, la découverte par la jeune génération des évènements, en leur permettant de s’approprier les noms, les évènements , les personnages qui deviennent à nous nouveau des êtes de chair et de sang, et les évènements, les plongées dans le passé, est à elle seule un formidable témoignage des bouleversements, de l’idéologie nauséabonde et mortifère et des évènements de la Seconde Guerre mondiale. Visite émouvante et difficile pour Simon, ses camarades et sa grand-mère. Impressionnante avec des illustrations qui d’un coup nous propulsent dans la cours des lieux avec les prisonniers au prise du sadisme et de la violence des gardiens et de leurs chiens (superbes illustrations de la page 53).
Cette BD est à la fois un témoignage, un récit historique, un rappel des faits des lieux. Elle est aussi à elle seule le symbole de la mémoire qui se transmet de génération en génération, qui saute parfois une partie des descendants avant de ressurgir plus forte chez les plus jeunes qui par leur intérêt et leurs questions.
La couverture m’avait surpris et puis j’ai tourné la première page et j’ai été happé par les illustrations, les couleurs, le récit, les allez et retour dans le temps, les témoignages, la montée progressive dans l’horreur et sa description. On ne sort pas indemne de cette lecture et le fait que ce soit des collégiens concernés par leur histoire familiale pour certains, qui partent à la découverte et nous entraînent avec eux, renforce encore ce sentiment de puissance, des faits, des évènements si longtemps après. La fin avec son dossier spécial qui donne définitions et biographies des héros de l’ouvrage est très réussie, elle aussi.Un travail magnifique à offrir, qui doit absolument figurer dans toutes les bibliothèques, médiathèques et CDI des collèges et même des lycées de France. Bravo !