Jemma est anéantie depuis la disparition de sa fille, Manon. Il faut dire qu’elle n’est qu’une goutte d’eau noyée parmi les milliers d’enfants qui disparaissent chaque année dans une Europe dévastée et ruinée par la guerre contre l’islamisme qu’elle a pourtant gagnée. Pas de place pour les faibles, particulièrement pas pour les femmes et les enfants qui alimentent un important réseau de prostitution et de trafic d’organes. Pour Jemma, tout espoir de retrouver sa fille semble perdu, et sa maison est même inexplicablement visitée par un commando d’extrémistes catholiques qui aspirent à prendre le pouvoir. Mais le journaliste désœuvré Luc Flamand qui va venir frapper à la porte de Jemma a d’autres théories concernant les disparitions : les enfants partiraient d’eux-mêmes, et c’est à Damas que se trouverait la clef de l’énigme.
Pierre Bordage nous dépeint ici une histoire poignante et dure, dans un futur que l’on pourrait qualifier de « ce qui pourrait nous arriver de pire ». Il y montre, comme à son habitude, un rejet certain de ceux qui usent de la religion pour asseoir leur pouvoir, et développe une certaine forme de mysticisme qui ne trouve pas entièrement son explication. Le roman est de plus rythmé par des histoires parallèles qui viennent s’intercaler dans le récit principal. Si l’on pourrait dire que Bordage met ainsi en place un suspens artificiel, la manœuvre est habile, car chaque personnage secondaire se voit consacrer un chapitre qui permet d’approfondir l’univers et, rebondissant de protagoniste en protagoniste au gré de leurs rencontres, il va partir de son personnage principal et y revenir à la fin.
Brillamment mené, émouvant et passionnant, ce roman reste très dur à lire et est à déconseiller aux plus jeunes lecteurs. Par ailleurs, quelques passages crus ou violents semblent être de trop et gratuits mais contribuent tout de même à donner l’ambiance oppressante propre à ce futur. Un bon bouquin donc, mais qu’il vaut peut être mieux éviter de lire dans des moments de déprime.