Dorénavant, on peut presque juger à l’avance de la qualité d’un long métrage au déploiement publicitaire qui l’accompagne, parfois des mois avant sa sortie en salles. L’équation est simple : plus un distributeur nous fait crouler sous les bandes annonces, extraits et featurettes, moins nous avons de chances de découvrir un film réussi. C’est le cas de La Stratégie Ender, qui a même bénéficié d’une campagne d’affichage dès le début de l’été, alors que l’exploitation dans les cinémas n’était fixée qu’à novembre. Une manière de susciter l’attente en créant un événement de toutes pièces, histoire d’engranger un maximum d’entrées lors de la première semaine d’exploitation. Une stratégie commerciale baptisée par certains « take the money and run » — prends l’oseille et tire-toi !
Ender’s Game se déroule dans un futur indéterminé, plusieurs décennies après une tentative de colonisation de la Terre par une race extraterrestre. Grâce au courage et au sacrifice d’un pilote de chasse, Mazer Rackham, dont le nom est devenu légendaire, l’humanité a vaincu le fléau mais se tient prête à contrer une nouvelle invasion. Pour mener la bataille jusqu’à la victoire, le commandement militaire recherche activement, presque dès le berceau, celui qui fera montre des plus grands talents de stratège et de leader de troupes. La perle rare se nomme Ender Wiggin, un adolescent dont nous allons suivre la formation de tacticien militaire dans une station orbitale.
Adaptation d’un classique moderne de la science-fiction, signé Orson Scott Card et paru en 1985, La Stratégie Ender présente un récit simplifié qui sacrifie la peinture futuriste de la société humaine au profit du seul parcours d’Ender Wiggin. Ender grimpe un à un les échelons qui le mèneront jusqu’au commandement suprême des forces armées, et cette progression, qu’on imagine volontiers difficile, longue, ardue, apparaît à l’écran comme une promenade de santé au sein d’une colonie de vacances façon « boot camp ». Cornaqués par un sempiternel personnage de sergent-chef gueulard mais réglo, à qui il convient de donner du « Sir, yes, Sir ! » à tout bout de champ, les cadets de l’école de guerre suivent une instruction très curieuse qu’on dirait limitée à un jeu entre équipes rivales et se déroulant en apesanteur. Impossible de comprendre exactement en quoi les parties consistent, il suffit d’accepter, pour être un spectateur heureux, qu’Ender et ses potes de dortoir triomphent de bandes moins balèzes pour faire des pirouettes en gravité zéro.
Maniant avec une dextérité extrême l’art du raccourci, le scénario compile les étapes franchies par le héros sans transition aucune ni développement. Au départ raillé et ostracisé, Ender prend en une réplique à peine l’ascendant sur ses collègues, devenant leur leader naturel. Une bonne initiative prise au cours d’une partie de jeu vidéo suffit à ce que le big boss de l’académie, le colonel Graff (Harrison Ford, si loin de Star Wars et de Blade Runner), décide de promouvoir l’Élu et de l’expédier dans la prestigieuse école de commandement. L’invraisemblance totale est de mise jusqu’au dénouement, où Ender, pourtant si futé, s’aperçoit qu’on s’est joué de lui en le bombardant à la tête d’une campagne militaire qui n’était peut-être pas nécessaire. On reste perplexe, d’ailleurs, devant les dernières séquences, en constatant que seulement trois minutes de castagne spatiale permettent aux États-Unis — que dis-je, à l’humanité ! — de se défaire des aliens pour de bon. Une victoire remportée fort simplement, dans le style Hiroshima, à tel point qu’on se dit que n’importe quel grognard galonné sachant appuyer sur un bouton aurait pu arriver au même résultat…
Sorti dans les salles le 6 novembre 2013. Ci-dessous, bandes annonces et autres vidéos.