Très gros coup de cœur pour un roman puissant et brillant ! À dévorer. Eulalie est morte ! Encore une fille Thaumas qui est morte. Partout la rumeur commence à circuler, les douze filles seraient maudites. Poisseuse, rampante, elle gagne du terrain. Au manoir la panique gagne les filles aînées qui, déjà, voient s’envoler leurs rêves de mariage et de futur. Mais Annaleight, la sœur qui raconte l’histoire, est peu à peu persuadée que quelque chose cloche, que non Eulalie ne s’est pas jetée du haut de la falaise : et si… ?
Progressivement la vie doit reprendre et leur père, treizième Duc des îles Salann, s’est remarié après la mort de sa femme chérie lors de son douzième accouchement. Et puis ses filles ont commencé à mourir.
Alors, comme pour conjurer le sort, il est désormais marié à Morella, une jeune femme enceinte qui doit lui apporter, qui sait, un fils tant attendu. Oh, non pas que cela pose un problème d’héritage, car dans ces contrées reculées, les filles, lorsqu’elles sont les aînées, reprennent le titre et héritent du domaine. Pas de problème avec cela, non, mais quand même : un fils !
Morella, jeune femme venue de loin, étouffe sous le poids des traditions, elle comprend brutalement que quel que soit le sexe de son enfant, ce ne sera pas lui l’héritier et obtient la fin du deuil et la reprise des fêtes et des tenues colorées. Officiellement il faut passer à autre chose, laisser la vie reprendre ses droits et faire s’éloigner la tristesse et la mort.
Au fil des pages, l’histoire se densifie, comme si nous étions entre deux mondes, comme si une mince frontière séparait le monde classique des humains bruyants de la civilisation moderne et l’autre plus ancien empreint du poids des croyances et des anciens dieux. Les filles, qui n’en peuvent plus, semblent au fil des pages prises d’une frénésie, d’une boulimie de vie. Elles veulent danser et s’amuser, rencontrer des prétendants sérieux, pas ces mauviettes qui semblent ne plus pouvoir ou vouloir les approcher relayant cette histoire de malédiction.
Pourtant les rumeurs ont la vie dure et celle-ci semble coller aux pages comme aux esprits des sœurs qui toutes se posent des questions et angoissent à l’idée qu’une autre d’entre elles puisse mourir.
Annaleight semble voler de page en page, de sœur en sœur, de rencontres en rencontres, tantôt hostile, tantôt amicale. Avec sa jeune belle-mère elle tente par tous les moyens de comprendre ce qui la dérange, quelque chose de confus et d’étrange qui la pousse à croire que sa sœur aurait été assassinée.
L’autrice joue à semer le trouble, à jeter le chaud et le froid et nous offre des pages où la magie ancestrale l’emporte et où les sœurs Thaumas s’envolent dans des bals endiablés vêtues de robes sublimes en ruinant leur précieux souliers sur les parquets des salles de bal. Puis d’un coup quelque chose se crispe, s’enraye et finit par troubler le lecteur qui ne sait plus trop où est la frontière entre la réalité, la magie, le rêve, le cauchemar. Parce ce que c’est bel et bien vers une forme de cauchemar que ces robes tourbillonnantes nous embarquent, aidées par la rudesse du climat, par le milieu rigide qui dicte ses lois. Et si Annaleight avait raison ? Et si Eulalie n’était pas morte d’un accident ou d’un suicide ? Et si un danger bien plus grand planait sur la famille Thaumas ?
Difficile de vous en dire davantage sans trahir l’histoire et ses secrets, nous vous laissons au plaisir de cette lecture envoûtante et presque vénéneuse. Comme le sous-titre l’indique, ceux dont l’imagination galope entendront de drôles de musiques et verront s’envoler le bas des robes de douze sœurs qui s’en allaient au bal !
Magistral ! Un des meilleur titres de cette fin d’année. À lire absolument pour les plus grands qui savent plonger et rêver dans les intrigues bien tissées aux éclats multiples comme les facettes des lumières des bals qui brillent de mille feux pour faire oublier la douleur, la peur, la souffrance et la mort.