Après L’Hiver du monde et La Guerre solaire, voici le troisième et dernier tome de la saga de S.F. ‘Winter World’… La Colonie perdue reprend les événements exactement là où s’arrêtait l’épisode précédent, autrement dit sur Eos, la très, très lointaine planète de secours à laquelle les Terriens survivants ont accédé après un voyage interstellaire de plusieurs siècles passé dans un état de stase. Sur place, l’heure est à présent à l’installation dans ce second berceau pour l’humanité. Élue maire de la ville de Jericho City, la courageuse et douce Emma Matthews préside à la destinée des quelques milliers de colons, tandis que son compagnon James Sinclair explore chaque jour un peu plus la géographie insolite de leur nouveau monde. Cependant, malgré la végétation luxuriante et les ressources naturelles en suffisance, la vie sur Eos n’a rien d’une existence de rêve dans un nouvel Éden : de nombreux dangers guettent les exilés, dangers qui, semble-t-il, ont coûté la vie à tous les occupants, sans exception, du Carthage, l’autre vaisseau de colons, arrivé sur place bien avant eux…
A.G. Riddle entend faire démarrer ce dernier chapitre sur les chapeaux de roue, avec une action qui tout de suite s’emballe en mettant les héros aux prises avec plusieurs périls mortels simultanés. Éclatés en plusieurs groupes, les personnages luttent pour sauver leur peau au fil de chapitres mouvementés dans la tradition de certains récits d’exploration aventureuse (Eos abrite une faune sauvage prompte à manger tout cru n’importe quel bipède). Par-dessus le marché, la météo n’est pas au beau fixe avec l’irruption de tempêtes monstrueuses à même de faire d’envoler toutes les constructions des valeureux colons. On aimerait pouvoir vibrer autant et sentir notre cardio s’envoler de page en page, mais l’action pure n’est pas vraiment le fort d’A.G. Riddle. La première partie du roman s’avère laborieuse, avec une succession d’explosions, de coups de feu et de courses poursuites dans la jungle qui devient vite répétitive. Mais attention : comme notre héros, le toujours pugnace James Sinclair, le lecteur doit persévérer car le coup de théâtre qui le guette à mi-parcours (soit aux environs de la page 200 — oui, quand même) se double d’un véritable coup de génie de la part de l’auteur. S’engageant sur des rails totalement inattendus, la seconde moitié du roman se révèle passionnante, rien de moins, amenant peu à peu à reconsidérer sous un jour nouveau tout ce qu’on a pu lire jusque là (tout, c’est-à-dire toute l’histoire, depuis les premiers mots du premier tome). Et l’on mesure à quel point l’auteur n’a pas choisi la simplicité : son ouvrage exploite avec succès des thèmes chers aux amateurs de science-fiction alambiquée, avec des clins d’œil à Isaac Asimov et, surtout, une intrigue à tiroirs, à base de réalités alternatives, qui soumet à notre esprit inquiet la prospective d’une menace tout à fait plausible et susceptible de peser, disons à moyen terme, sur le devenir de nos sociétés. Coup de chapeau à l’écrivain, qu’on n’aurait pas soupçonné, avant la découverte de cette Colonie perdue, de vouloir nous inviter sur ce terrain-là.
En librairie le 2 novembre 2022.