L’étoile noire est multiple : à la fois roman (presque) épistolaire, journal intime, témoignage. Sa toile de fond est cette fois, dans la collection Courants Noirs de Gulf Stream : la guerre d’Espagne. Et le moins que l’on puisse dire c’est que Lilian Bathelot (les amateurs se souviennent encore de C’est l’inuit qui gardera le souvenir du blanc chez les regrettés Le Navire en Pleine Ville) nous embarque avec ses personnages, ces deux adolescents à l’aube de leur vie d’adulte qui vont basculer dans la réalité de la vie par l’intermédiaire de la guerre civile. Tout fonctionne ici, les élans de tendresse d’amour entre le frère Esteban et sa sœur Telma, leurs sentiments mis à nus par les lettres qu’ils se sont envoyées, lettres qui se croisent, se manquent, se devancent, se répondent. Leur relation avec leur mère, Le Doro, Marisol et d’autres personnages secondaires formidablement bien campés.
La découverte de la ville par Esteban est extrêmement bien rendue, on sent vibrer Barcelone dans l’ébullition de la révolution et de la lutte avec l’espoir partout d’un changement possible, d’un monde meilleur pour les plus pauvres, pour les femmes exploitées, humiliées. Partout l’espoir qui nait, mais qui flanche aussi parfois avec les assauts sans cesse répétés des fascistes et de leurs alliés notamment une grande partie du clergé espagnol.
Alors on ouvre bien grand les yeux, on se calle dans son fauteuil préféré et on découvre au fil des pages, leur vie, celle de cette Espagne au bord de la catastrophe, on se surprend à attendre avec les personnages, à pleurer avec eux, avant le final (peut-être un peu abrupt) que je vous laisse découvrir. L’étoile noire met à nu la société espagnole comme la vie et les sentiments de ses héros sans voyeurisme, avec un ton toujours juste.
Formidablement documenté, construit comme si l’auteur avait eu accès à la correspondance … Tout est bien évidemment expliqué, commenté, avec à la fin comme toujours dans cette collection des rappels historiques et/ou utiles à la compréhension du roman et de sa réalité historique.
Une lecture plus qu’agréable, prenante, on en redemande. Un roman engagé et prenant sur une période de l’histoire peu connue du grand public. A découvrir sans hésiter.