Kali faisait partie d’un gang de motardes. Les « Matrikas », c’était sa famille, jusqu’à ce que celles-ci la trahissent en choisissant d’entrer dans le rang : désormais, les filles roulent pour « la Machine », le pouvoir militaire qui impose sa dictature aux quatre coins du désert. Mais Kali est une furie, pas du genre à renier ses idéaux ni à transiger avec la liberté.
Le portrait en couverture est à lui seul un symbole : même poignardée dans le dos, l’héroïne campe droite dans ses cuissardes, et, le flingue en main, elle se libère des chaînes que toute une armée de crapules voudraient lui passer aux poignets. Kali arrive en librairie alors que Furiosa de George Miller prend d’assaut les salles de cinéma. Les points communs sautent aux yeux avec, dans une œuvre comme dans l’autre, une héroïne à la détermination de fer, que personne ne peut contraindre, un monde désertique de western post-apo, où règne la loi du plus fort, et une enfilade de scènes de violence dont la dynamique efface toute idée de porter le regard ailleurs. Dans l’album, Kali a son pendant négatif, Adora, la fille du « Général » — le despote de l’histoire. Son uniforme, sa blondeur et son sadisme en font une véritable émule d’Ilsa, icône bien connue des bissophiles. Une authentique salope dotée d’un fort potentiel allégorique, incarnant à elle seule toute la séduction du pouvoir et, pour les volontés les plus faibles, la tentation de la soumission. De ces deux femmes fortes, qui l’emportera ?
Né en 2014 de « deux séances d’écriture fiévreuses » (dixit le scénariste Daniel Freedman), Kali a représenté sept ans de travail pour le dessinateur Robert Sammelin. En fin de volume, on trouve de nombreux croquis préparatoires ainsi que quelques pages du scénario et des reproductions de planches « step by step », fort instructives, du crayonné jusqu’au résultat final, en passant par les étapes de l’encrage et de la mise en couleurs. Même si une foule d’éléments reste hors cadre (l’action se déroule sur 24 heures et on ne sait presque rien du background des personnages, tous comme saisis dans l’instant), la BD est passionnante de bout en bout, et on la recommande autant aux amateurs d’excellents comics US qu’aux amoureux des héroïnes libres et fortes, aux réparties cinglantes et à la dégaine « badass ».
En librairie depuis le 22 mai 2024.