Un printemps à l’actualité riche pour le cinéma de genre français… Quinze jours à peine avant la sortie de Mutants de David Morley, voici Humains, premier long métrage de Pierre-Olivier Thévenin et Jacques-Olivier Molon. Entretien avec deux réalisateurs sur des charbons ardents, à l’avant-veille de la sortie du film.
Humains est votre premier long métrage en tant que réalisateurs, et le public ne vous connaît pas encore. Pourriez-vous résumer votre parcours ?
Pierre-Olivier Thévenin : J’ai commencé comme maquilleur sur La Révolution Française en 1989. Puis, en 1990, je suis parti aux USA pour travailler dans les effets spéciaux. Je suis allé chez Steve Johnson pour oeuvrer sur Innocent Blood et sur Simetierre 2. Puis j’ai été en contact avec le studio de Stan Winston où j’ai eu la chance de travailler sur Jurassic Park, je me suis occupé du Brachiosaure…Après ce fut le tour d’Entretien avec un vampire, Congo, L’Ile du Docteur Moreau, et une série de films français également. En 1998, j’ai fondé mon propre studio d’effets spéciaux : Almost Human. Aprés avoir travaillé sur Warlock 3, j’ai rejoint Jacques Olivier sur Bloody Mallory. ce fut une expérience enrichissante d’alterner entre le vieux continent et les USA.
Jacques-Olivier Molon : Tout comme Pierre-Olivier, je viens des effets spéciaux de maquillage, domaine dans lequel j’ai travaillé pendant 10 ans en commencant sur le film de Bruno Dumont L’Humanité (j’ai fabriqué un faux corps pour ce projet). Puis je suis venu à Paris où j’ai fondé un petit atelier. Enfin, en travaillant avec le sculpteur Stéphane Chauvet, j’ai pu oeuvrer sur un film comme Le Fabuleux Destin d’Amélie Poulain, puis sur Vidocq avec l’équipe des Versaillais… J’ai fondé avec Pierre-Olivier et Fred Balmer un atelier de SFX en 2004. Nous avons travaillé sur des pubs, des spectacles et sur un film très sanglant, À l’Intérieur de Julien Maury et Alexandre Bustillo. Et aussi sur Le Deuxième Souffle d’Alain Corneau. Un maître en la matière !!!
Quelle est l’origine d’Humains ? Est-ce un projet personnel ?
POT et JOM : À l’origine, Humains était un traitement de 30 pages écrit par un Suisse et un Français. Ce traitement a été proposé aux producteurs qui ont aimé l’originalité du concept et ont demandé à ces deux scénaristes de leur livrer une première version complète. Puis le script a été retravaillé par deux autres personnes.
Pour nous, ce n’est donc pas un projet personnel mais une pure commande. Les producteurs que nous connaissions depuis À l’Intérieur nous l’ont proposé en avril 2007. D’abord pour que l’on s’occupe des effets spéciaux de maquillage concernant les créatures. Puis, comme ils avaient vu et aimé les courts-métrages de Pierre-Olivier, ils ont eu l’idée de nous le proposer en tant que réalisateurs. Nous n’avons mis qu’une fraction de seconde à répondre « OUI » !
Est-ce que cela fait longtemps que vous vous connaissez ?
JOM : Oui, depuis 13 ans. Nous avons travaillé presque 7 ans ensemble sur divers projets et nous avons fondé notre propre atelier d’effets spéciaux. Nous avons appris à bien nous connaître.
Nous nous sommes rencontrés en Novembre 1996 sur le tournage d’un film de tueur en série, Habeas Corpus. Pierre-Olivier avait fait un magnifique cadavre pour une autopsie et j’avais en charge les effets des autres victimes du tueur. Nous avons tout de suite sympathisé. En plus de nos prénoms en « Olivier », nous nous ressemblions beaucoup physiquement à l’époque, c’était troublant. Depuis, nous sommes restés amis.
Quelles ont été vos intentions en filmant cette histoire ?
POT et JOM : Humains est un film d’aventures dans la tradition du survival avec des éléments fantastiques et des touches d’humour, et nos intentions ont vite été très claires : faire un pur film de divertissement pour un large public. Mais aussi respecter le matériau d’origine et retranscrire le plus fidèlement possible le scénario à l’écran. Nous nous sommes comportés en purs filmmakers.
Est-il facile pour des spécialistes en SFX de passer à la mise en scène en tenant les rênes d’un film de cette envergure ?
POT et JOM : Comme nous avions l’expérience des plateaux, nous savions comment fonctionnait une équipe de cinéma. Qui fait quoi, etc. À quoi sert un régisseur, un éléctro, un machino… Nous n’étions pas perdus ! Et je pense que les producteurs nous ont choisi pour notre expérience dans le domaine des maquillages spéciaux puisque le film met en scène des créatures.
De plus, Pierre-Olivier avait déjà fait trois courts métrages et nous savions comment découper un film, les angles de prises de vue, l’enchaînement des scènes, le montage. Bien sûr, il a fallu apprendre des choses sur le tas mais nous avions les bases.
Quelles difficultés majeures avez-vous rencontré sur le tournage ?
POT et JOM : Toutes les difficultés relatives à un tournage en extérieur. C’est-à-dire dépendre de l’exposition au soleil qui, du coup, devient le vrai chef op’ du film. Mais aussi une logistique très lourde avec des décors naturels parfois difficiles d’accès, une machinerie complexe qu’il faut amener sur le plateau, etc. La séquence la plus difficile fut celle du torrent car le débit de l’eau était très puissant et même les cascadeurs, pourtant expérimentés, devaient renoncer à aller à certains endroits : le courant était trop fort et ils recevaient des cailloux dans les tibias. De plus, le débit augmentait suivant la fonte des glaces en cours de journée, rendant le parcours impraticable pour les comédiens. Il fallait donc faire appel à des doublures. Et il fallait anticiper l’ordre des plans pour la journée de tournage. Comédiens le matin et doublures l’après-midi.
Quelques mots sur le casting ? Les comédiens français n’ont guère l’habitude de tourner dans des productions de ce genre… Comment ont-ils été choisis, et comment se sont-ils comportés sur le tournage ?
POT et JOM : Tout d’abord, tout le casting a été formidable. Les comédiens se sont donnés à fond. Il faut dire que nous avions mélangé deux styles de comédiens : les vieux routiers comme Philippe Nahon et Dominique Pinon, et des acteurs moins évidents de prime abord comme Sara Forestier et Lorànt Deutsch, mais qui nous ont surpris par leur enthousiasme et leur motivation.
Ce qu’il ne faut pas oublier, c’est que ce sont avant tout des acteurs et actrices, ils ont la faculté de se glisser dans la peau d’un personnage. En plus, il y avait une synergie entre eux, aucun ne venait empiéter sur le terrain de l’autre, bien au contraire, ils se stimulaient mutuellement. Et ils étaient aussi tous solidaires parce qu’on les mettait dans des situations physiques difficiles.
Vous aimez le cinéma fantastique et d’aventures, et j’imagine que vous avez des titres-fétiches dans tel ou tel genre… Quels sont vos "films de chevet" ? Plus généralement, quels rapports entretenez-vous avec les univers de l’imaginaire ?
JOM : Je suis un grand fan de films fantastiques, d’horreur et surtout de science-fiction. Je revois « religieusement » tous les ans des films comme Evil Dead, New York 1997, Aliens le retour, The Thing de John Carpenter… Mais aussi Les Évadés de Frank Darabont, Impitoyable de Clint Eastwood, La Valse des pantins de Martin Scorsese et pas mal de comédies de Ben Stiller ! Mon univers englobe le genre comédie qui est sans doute le plus difficile à faire au cinéma. Et tout dernièrement il y a eu Gran Torino, encore un nouveau choc cinématographique !
J’absorbe aussi beaucoup de musiques qui me permettent de me réfugier dans mon propre univers. La musique permet d’élaborer un imaginaire où l’on peut y projeter ses fantasmes et ses histoires.
À deux jours de la sortie, comment vous sentez-vous ? Avez-vous organisé des avant-premières pour le film ?
POT et JOM : AAAAAAAHHHHHAAAAAhhhh !!! Nous voilà projetés dans un vortex temporel tourbillonnant ! Oui, nous avons fait pas mal d’avant-premières en Province et une sur Paris. L’accueil a plutôt été bon dans l’ensemble. Les gens posaient des questions et cela durait environ 20 minutes en moyenne. C’était agréable de voir et entendre le public poser des questions, cela montrait qu’il s’était intéressé au film. Et c’est toujours bien de rencontrer les spectateurs !