Le vainqueur du Grand Prix 2015 (et du Prix de la Critique) au dernier Festival de Gérardmer. La scène d’ouverture envoie une belle claque avec une jeune fille paniquée, en petite tenue de satin et talons, qui s’enfuit en courant de chez elle à la nuit tombante. Au bout de quelques mètres, elle se ravise, va récupérer des clés de voiture à l’intérieur puis repart de plus belle en appuyant sur le champignon. Sa course s’achève sur une plage où, éclairée par les phares, elle passe un coup de fil d’adieu à sa famille. Fondu au noir. On retrouve la mignonne au petit matin. Son corps désarticulé repose sur le sable.
Passé cette entrée en matière, on ne connaît pas encore les personnages principaux de l’histoire, mais on a compris qu’ils vont affronter une menace mortelle, représentée dans le titre par cet opaque pronom « it ». What is « it » ? L’héroïne, Jay, 19 ans, va coucher avec un garçon un peu mystérieux, Hugh. Ils font ça — it ! — à l’américaine, sur une banquette arrière de voiture. Horreur : Hugh a refilé quelque chose — it — à Jay, non pas une MST, mais une malédiction : quoi qu’elle fasse, où qu’elle aille, Jay sera dorénavant poursuivie par des apparitions de quidams, aux allures de zombie, qui marchent droit sur elle. Hugh l’a prévenue après son forfait : « Surtout ne te laisse pas attraper, ne te laisse pas toucher. »
L’argument de l’acte sexuel comme vecteur de trépas a un petit côté réac, mais D. R. Mitchell n’est pas là pour véhiculer un message conservateur prônant l’abstinence (soyons honnêtes : voir un film de fantômes n’a jamais dissuadé quiconque de baiser !). Le scénario joue d’un axiome propre au slasher US — si tu couches, tu crèves — pour le mêler à d’autres thématiques récentes du cinéma d’horreur (les légendes urbaines, les récits de malédictions des films de hantise japonais et coréens). Narrés au moyen d’une mise en scène virtuose (le cadre et le montage, d’une fluidité aérienne, restituent à la perfection la sensation du cauchemar éveillé vécu par l’héroïne), les tourments de Jay prennent une dimension supplémentaire dès lors que la fuite du personnage face au péril s’accompagne d’un sous-texte psychanalytique très stimulant : la quête pour trouver un remède au mal est jalonnée de symboles psy d’obédience freudienne, et on en revient au fameux « It » du titre, équivalent anglais du « Ça » cher à Sigmund (et à Stephen King !). L’histoire traite de peurs et d’interdits liés à l’enfance (signalons qu’il n’y a aucun personnage adulte dans le film), et forcément, le film touche une corde sensible. L’impact est d’autant plus fort que les passages les plus critiques (les apparitions) s’avèrent d’authentiques moments de trouille. David Robert Mitchell n’a pas volé son Grand Prix à Gérardmer, et It Follows s’assure une place privilégiée dans toute future anthologie des films de hantise. Mentions spéciales, pour conclure, à la musique (une compo électro aussi planante qu’effrayante signée Rich Vreeland) et à la qualité de l’interprétation, dominée par la jolie Maika Monroe, dont la blondeur, la moue et les formes apportent au film une indéniable (et indispensable) touche sexy.
Sortie dans les salles le 4 février 2015.