« Hellraiser est sorti un vendredi sur un grand nombre d’écrans, et il a fait plus d’entrées que tous les autres longs métrages à l’affiche au cours du week-end. J’étais à Londres quand on m’a appris que le film était numéro un. Et sur le moment, je n’ai même pas réalisé. Je n’avais aucune idée de ce que ça signifiait ». Ainsi parle Clive Barker au cours du long entretien qu’il accorda à son vieux complice Peter Atkins au début des années 2000, et dont la retranscription est reproduite pour la première fois dans ce volume. Un dialogue-fleuve de plus de quarante pages riches d’idées et d’anecdotes dans lequel l’auteur britannique fait parler ses souvenirs, de ses débuts d’écrivain et de dramaturge jusqu’à ses expérimentations dans la peinture et le cinéma. Barker, et il a bien raison, se félicite d’avoir apporté une créature — Pinhead, au visage planté de clous — au panthéon de l’horreur. Tourné en 1987 avec un petit budget, Hellraiser connut donc son heure de gloire sur les écrans de cinéma britanniques ; en France, le carton eut surtout lieu dans les vidéoclubs, où, dès 1988, les cassettes VHS passèrent de magnétoscope en magnétoscope jusqu’à l’usure complète de la bande. Si Barker en fut le premier surpris, la postérité était peut-être prévisible, compte tenu du caractère sulfureux, voire délétère, de l’histoire, et du cachet inédit de son imagerie érotico-macabre.
Cette nouvelle édition par Bragelonne (après une première publication française en 2006) viendra rappeler aux plus distraits qu’avant d’être un long métrage, l’histoire d’horreur aux contours sadomasochistes fut tout d’abord livrée au monde par Barker sous la forme d’un roman bref (le récit dépasse à peine 120 pages). Les familiers du film ne seront pas dépaysés en constatant à quel point le long métrage a « collé » au récit littéraire. Dans un faubourg londonien, un couple emménage dans un pavillon reçu en héritage. Tandis que le brave Rory (rebaptisé Larry dans la version cinéma) s’active pour remettre en état la bicoque plus ou moins délabrée, son épouse Julia, à la personnalité trouble, renoue avec son ancien amant. Ce dernier, Frank, jouisseur impénitent, n’est autre que le frère de Rory. À l’insu de tous, il subsiste dissimulé à l’étage dans un état quasi-embryonnaire, après avoir été martyrisé par des puissances démoniaques qu’il a lui-même imprudemment convoquées, les Cénobites. Révélant sa présence à Julia, il convainc sans mal son ancienne maîtresse de l’abreuver de sang pour qu’il retrouve forme humaine.
Au détour d’une page, Hellraiser cite à propos le nom de Sade (ainsi que celui de Gilles de Rais). Héritiers (sur)naturels des tortionnaires abominables des Cent Vingt Journées de Sodome, les Cénobites, personnages essentiels, n’interviennent qu’avec parcimonie dans l’histoire, leur apparition étant conditionnée par la résolution d’un puzzle magique, un cube mystérieux, finement ouvragé, dont l’ouverture au mécanisme complexe donne accès à une dimension épouvantable de plaisirs infernaux. Icône ludique et fétichiste, le « Cube de Lemarchand », brillant de marquèterie dorée, attend justement en couverture que l’amateur d’horreurs littéraires ouvre à son tour la porte de cette édition de luxe d’Hellraiser. La belle reliure rouge gore du volume et son lettrage étincelant ne font qu’ajouter à l’aura de cette œuvre-culte qui trouvera naturellement sa place sur votre étagère du haut ainsi que dans l’enfer des bibliothèques.
Hellraiser, édition collector sera disponible en librairie dès demain, 19 septembre.