Faire du neuf avec du vieux. La formule est bien connue, mais savoir recycler avec art et talent n’est pas donné à tout le monde. Steven S. DeKnight, pour sa part, s’y entend : biberonné aux romans de Raymond Chandler (puis, plus tard, à ceux de Stephen King), le scénariste a ficelé avec Hard Bargain une captivante histoire de détective privé — un vrai de vrai, avec trench coat, flingue et chapeau, qui carbure au scotch — dans une ville de Los Angeles réinventée, en proie à toutes sortes de forces malfaisantes. Ce sont les années 1930 ou 40, dans les rues il y a des sorciers et des démons, et Frank Harding — le « private eye » de l’histoire — mène ses enquêtes avec un sens musclé de la répartie, qui claque aussi fort que ses poings.
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La voix off du privé — commentaires vachards ou pensées intimes — nous accompagne tout au long de l’aventure, à travers le décor d’un Los Angeles nocture, hivernal et pluvieux qui n’est pas sans faire songer à Blade Runner, autre fabuleux exemple de film noir revisité à l’aune du fantastique et de la science-fiction. Harding a une secrétaire elle aussi dans la grande tradition, jupe fendue et mèches brunes, toujours présente au bureau pour panser plaies et bosses quand le détective rentre cabossé d’une mission. Et le scénario de Steven S. DeKnight prévoit pour Harding une enquête des plus périlleuses, impliquant curieusement plusieurs de ses amis d’enfance, retrouvés mutilés d’une épouvantable manière. L’affaire est rythmée, et l’intérêt toujours relancé d’un chapitre à l’autre grâce, aussi, à une riche collection de seconds rôles qui apportent à l’album épaisseur et cachet. Dans sa postface, l’auteur révèle que les graines de l’histoire ont commencé à germer dans son esprit il y a près de trente ans, alors qu’il entamait sa carrière de scénariste à Hollywood (il a depuis travaillé sur les séries Daredevil, Spartacus, Buffy…). Et l’on se dit que les presque 200 pages de Hard Bargain, à l’écran, pourraient donner un sacré film, même si d’autres productions, cela dit, ont déjà emprunté des chemins voisins, chacune dans son style (Sin City, d’après Frank Miller, ou encore Constantine). Quoiqu’il en soit, n’attendez pas, pour le découvrir, que le titre fasse un jour l’actu des sorties cinéma.
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En librairie le 6 mars 2025.