Nous attendions de rencontrer Hauptmann, l’un des deux chanteurs de Feuerschwanz, pour parler de la sortie du nouvel album Warriors. Pas de chance, l’artiste était malade ce jour-là, et l’info nous a été transmise qu’un autre membre du groupe, sans plus de précision, serait présent à l’heure dite pour honorer le rendez-vous… Rencontre-surprise avec Jan « Jarne » Janmaszyk, le bassiste de la formation allemande.
Khimaira : Bonjour, Jan ! Ravi de faire ta connaissance. Feuerschwanz a été créé en 2004. Dirais-tu qu’en vingt ans, le groupe a évolué d’une façon qui n’était pas forcément prévue au départ ?
Jan Janmaszyk : Oui, tout à fait. Feuerschwanz est né de la volonté d’Hauptmann de créer un groupe rigolo, très différent des autres formations allemandes de musique médiévale, qu’il trouvait à l’époque beaucoup trop sérieuses, pas fun du tout. Donc ça a débuté comme ça, comme un projet amusant. Par la suite, des musiciens de plus en plus expérimentés et solides sont venus prêter main forte, et le groupe a peu à peu acquis la stature qu’il a aujourd’hui, avec une musique techniquement très stimulante. Et il y a cinq ou six ans — l’époque à laquelle j’ai moi-même intégré le groupe —, nous avons décidé d’orienter les albums vers un style un peu plus lourd, plus metal, tout en gardant intact l’esprit festif et joyeux qui caractérise le groupe depuis les premiers jours.
Et aujourd’hui vous sortez cet album, Warriors, qui est en fait un best-of avec des titres réenregistrés en anglais. D’où est venue cette idée ?
Pendant la période du covid, nous avons donné pas mal de concerts en ligne et de sessions en streaming, et c’est à ce moment qu’on a pu mesurer notre notoriété au-delà des frontières allemandes. On s’est rendu compte que plein de gens qui ne parlent pas notre langue suivaient ce qu’on faisait avec intérêt, en prenant beaucoup de plaisir à écouter notre musique. On s’est dit, pourquoi ne pas essayer de leur offrir un peu plus, en leur donnant plus facilement accès à ce qu’on raconte dans les chansons… On a commencé par travailler sur une version anglaise du refrain de la chanson Siegfried Dragonslayer, et très vite l’idée s’est imposée de ne pas se contenter de quelques lignes, d’y aller franchement et d’enregistrer des reprises en anglais.
Lors de tournées à l’étranger, vous n’aviez jamais entendu de demandes de la part des fans de chanter en anglais plutôt qu’en allemand ?
Non. Nous nous sommes produits quand même un certain nombre de fois hors d’Allemagne, par exemple en Espagne ou même aux États-Unis, à Miami, au festival 70,000 Tons of Metal. Et même là-bas, personne n’est venu nous dire qu’il regrettait qu’on ne chante pas en anglais. Même si les gens ne comprennent pas les paroles, rien ne les empêche de se laisser embarquer par la musique et de faire la fête avec nous.
Mais à présent que ces versions anglaises existent, vous allez pouvoir les jouer sur scène… Mais peut-être pas en Allemagne, cela dit ?
Non, en Allemagne, le groupe s’est construit une large « fan base » avec laquelle on tient à maintenir le lien, des gens qui nous suivent depuis des années et dont le nombre a augmenté en même temps que nous, nous grandissions. Dans les grands festivals hors d’Allemagne, en revanche, on fera peut-être un panaché avec quelques-unes des reprises qu’on a enregistrées en anglais.
Pour l’album, avez-vous tout réenregistré, voix et instruments, ou seulement les voix ?
Seulement les voix. Il n’y avait pas vraiment lieu d’améliorer quoi que ce soit musicalement, tout était là. Pour les titres les plus anciens de notre sélection, l’équipe à la production a légèrement remixé deux ou trois choses pour que tout soit d’une qualité de son homogène, mais rien de plus.
Et vous avez fait appel à plusieurs invités venus d’autres groupes pour chanter avec vous sur certains titres. J’ai l’impression qu’en Europe, la scène metal a beau être très large, elle est constituée de gens qui se connaissent tous les uns les autres…
C’est une impression très juste, d’autant qu’ici, en Allemagne, nous sommes nombreux à être sous contrat avec Napalm Records, on fait un peu partie d’un même réseau. Alors en effet, on se connaît très bien les uns les autres, d’un groupe à l’autre on s’appelle tous par nos prénoms. C’est comme une espère de grande famille !
On peut en dire autant de Feuerschwanz, d’ailleurs : vous n’êtes pas moins de huit et vous avez l’air de former une petite tribu très soudée. Est-ce que ça vous arrive de vous fréquenter en dehors des activités du groupe ?
Pas forcément les huit tous ensemble mais en plus petits groupes, oui, en effet, certains aiment bien se retrouver le week-end pour des activités sportives ou d’autres loisirs. Il y en a qui font du jeu de rôle grandeur nature, ils fabriquent leurs costumes et tout et tout, comme les tenues qu’on porte sur scène d’ailleurs, on les fait nous-mêmes, parfois avec un peu d’aide de la part de gens qui sont proches du groupe — il faut dire que nous sommes tous très branchés culture médiévale ! Et ce que tu dis est juste : des liens d’amitié très forts se sont noués dans le groupe. Et je dois dire que c’est indispensable ! Un groupe qui part en tournée et dont les membres ne s’apprécient pas plus que ça, c’est impossible à concevoir. Même la vie off stage exige qu’on s’entende très bien : dans Feuerschwanz, nous sommes six musiciens plus deux danseuses, et si on ajoute les gens qui nous accompagnent, par exemple ceux qui sont chargés d’alimenter nos pages sur les réseaux sociaux, on arrive à une vingtaine de personnes. Imagine tout ce monde entassé dans une loge minuscule les soirs de concert ! Pour endurer ça, en plus pendant des semaines, voire des mois, il faut vraiment s’aimer (rires) !
Le titre de l’album, c’est Warriors, et puisque les meilleurs guerriers sont censés accomplir de hauts faits d’armes sur les champs de bataille, j’ai envie de te poser cette question : quelle est la prouesse dont tu es le plus fier en tant que membre de Feuerschwanz ?
Pour l’ensemble du groupe, je dirais que c’était il y a deux ans au Wacken Open Air. Nous jouions sur la grande scène, juste après Slipknot. Et nous étions le dernier groupe à passer, il était déjà tard, peut-être 1 h 30 ou 2 h du matin. Le public avait déjà commencé à bien se disperser, et quand notre concert a commencé, les gens se sont mis à refluer vers nous et sont revenus combler l’espace devant la grande scène. Jouer devant un public aussi nombreux, c’était incroyable ! Et les gens ont vraiment eu l’air de s’éclater pendant notre prestation. On a vécu un grand moment ce soir-là.
Et le deuxième titre dans la tracklist, c’est The Unholy Grail. Alors j’ai aussi envie de te demander : ton Graal à toi, en tant que musicien, qu’est-ce que ce serait ?
Je pense que je peux aussi répondre au nom du groupe : actuellement, on s’efforce d’obtenir le plus de reconnaissance possible, aussi bien en Europe que dans le reste du monde. Nous adorons partir en tournée, et nous avons le plaisir fantastique de constater que les salles de tous les concerts à venir affichent complet, l’une après l’autre. Alors je dirais que notre Saint Graal, pour le groupe comme pour moi, serait de pouvoir donner des concerts dans des salles de plus en plus grandes, et pourquoi pas jouer en tête d’affiche devant un public immense, dans un grand stade par exemple.
Et Highlander, alors ? Une chanson récente, elle figurait en version allemande dans votre album précédent, Fegefeuer, et cette fois c’est le titre qui ouvre Warriors. Je trouve ça vraiment cool que vous ayez rendu cet hommage au film de Russel Mulcahy. Je l’ai découvert à sa sortie en salles quand j’étais ado, et je n’ai jamais cessé de le revoir depuis…
Tout à fait d’accord avec toi ! Quand on est plongés en plein processus créatif, pendant la composition d’un nouvel album, on se demande toujours comment faire pour injecter une bonne dose de fantasy épique dans notre univers musical. Et Highlander, pour nous, ça a été d’un coup comme une évidence. L’histoire que raconte le film est géniale. Pour ma part, je ne l’ai pas vu quand il était dans les salles, je n’étais pas né (rires) ! Mais je me suis bien rattrapé ensuite en regardant le dvd.
Dans l’ensemble de la tracklist, y a-t-il une chanson qui, pour toi, sonne presque mieux en anglais qu’en allemand ?
The Forgotten Commandment. Pendant l’élaboration de l’album, on a eu beaucoup de mal à trouver une version anglaise qui convienne. On ne pouvait pas traduire les paroles allemandes mot à mot, ça a été compliqué, ça a pris du temps au point qu’on l’a laissée un temps de côté, faute d’aboutir à un résultat qui nous satisfasse. Et puis à la toute fin de notre processus créatif, on est revenus dessus, on s’est livrés à quelques nouvelles séances de brainstorming et on y finalement arrivés ! Et nous aimons tous beaucoup cette version en anglais. On est contents de ne pas l’avoir éliminée pour de bon.
Pourrais-tu nous dire quelques mots sur votre participation au festival 70,000 Tons of Metal ? Tu en as parlé un peu tout à l’heure, et je me suis toujours interrogé sur la pertinence d’un festival de metal sur un paquebot de croisière. Pas vraiment un « dragon boat », pour le coup !
Eh bien, écoute, ça a été une expérience fantastique, là aussi ! Au total, il devait y avoir dans les trois mille personnes sur le bateau, musiciens, passagers et équipage compris. Donc on se retrouve tous dans un environnement très condensé, il n’y a pas vraiment de zones séparées où circulent les artistes et le public. Tout le monde se côtoie, c’est une ambiance très communautaire, on tombe sur des fans dans la cabine d’à côté, etc. En plus, je n’avais jamais mis les pieds sur un paquebot, je ne savais pas à quoi m’attendre. Ces quatre jours de croisière et de concerts ont été formidables, vraiment.
En ce moment, vous êtes de nouveau en pleine tournée, et vous le serez jusqu’à la fin de l’année. Y a-t-il une date en particulier que tu attends avec impatience ?
Oui, le concert organisé pour fêter les 20 ans du groupe, en décembre. Tu parlais de Saint Graal tout à l’heure, et c’en sera un : on jouera à la Grugahalle, à Essen, devant 6500 personnes, ce sera le plus grand concert jamais donné par Feuerschwanz ! On a invité quelques grands noms pour nous accompagner sur scène, et je peux te dire que ce sera une sacrée fête ! Et les ventes de tickets marchent très bien déjà… On a tous hâte d’y être !
Propos recueillis en avril 2024. Danke Schön/Thank you very much à Anaïs Montigny (SLH Agency) et à Lukas Frank (Napalm Records Berlin).
Sortie de l’album Warriors le 3 mai 2024.