Le nombre de sélections en festivals est-il un bon indicateur de la valeur d’un film ? J’aurais tendance à répondre par l’affirmative en ce qui concerne ce titre-ci, coproduction entre l’Irlande et la Belgique. Extra Ordinary fait partie des films qu’on qualifie communément de bêtes de festival, avec une trentaine d’apparitions un peu partout, qui plus est dans les manifestations de prestige que sont le BIFFF à Bruxelles, le festival de Sitges en Espagne, Fantasia au Canada, etc. Ajoutons aussi le PIFFF en France et le NIFFF à Neuchâtel, et on obtient un panorama assez représentatif de la popularité du titre. Un succès exceptionnel pour un cadre et des personnages archi-ordinaires : nous sommes dans une petite ville anonyme d’Irlande, d’une banalité à se pendre, l’héroïne est monitrice d’auto-école (elle officie dans une Ford Fiesta hors d’âge), d’une corpulence ronde, elle est célibataire et se nourrit de lasagnes micro-ondables… Mais il faut aller au-delà des apparences, car Rose (tel est son prénom) a un don, et pas n’importe lequel, qui lui permet de voir les fantômes et, le cas échéant, de les exorciser en leur expliquant le plus simplement du monde qu’il est temps de franchir un cap, d’aller voir plus loin dans l’au-delà en laissant les vivants tranquilles. Un talent médiumnique qu’elle prend soin de cacher mais naturellement tout le monde dans la bourgade est au courant et n’en finit pas de faire sonner son petit portable pour qu’elle intervienne (puisque les îles britanniques sont envahies de spectres, tout le monde sait ça).
Le titre dit la vérité : tout ou presque dans cette pétillante comédie est extraordinaire, à commencer par l’interprète principale Maeve Higgins, qui a aussi un don exceptionnel car voici une comédienne d’un naturel et d’une douceur formidables, avec en prime le petit grain de folie qui relève tout (on pourrait dire qu’elle porte le film si ce n’était l’excellence, jusque dans les petits rôles, du reste du casting). L’histoire réserve à son personnage deux rencontres décisives : avec un veuf — harcelé par sa défunte mégère ! — et avec une ex-vedette de la pop, un sombre has-been exilé en Irlande pour raisons fiscales et qui rêve d’un come-back artistique, hautement improbable.
La loufoquerie à l’œuvre dès la scène d’ouverture ne se dément jamais avec, aux commandes, un duo de réalisateurs-scénaristes qui parviennent à sortir une idée dingue de dialogue, de mise en scène, de gag visuel… à la minute. Hormis une ou deux commodités sur lesquelles on n’a pas trop de mal à fermer les yeux (citons un personnage de jeune vierge… sacrifié, car elle ne sert justement qu’à ça, ou peu s’en faut), on obtient donc un sans-faute, un métrage hilarant, tendre avec ses héros et généreux envers ses spectateurs, qui aurait mérité une sortie en salles dans l’Hexagone plutôt qu’une arrivée directe en vidéo à la demande. Quoique… Dans un pays gaulois où l’audience habituelle des comédies peine à s’intéresser à autre chose qu’au tout-venant de la production nationale, le film aurait eu du mal, peut-être, à trouver son public. Mais si le mariage de l’humour, du surnaturel et du gore (oui, il y en a aussi un peu !) ne vous fait pas peur, foncez ventre à terre : Extra Ordinary est la meilleure comédie fantastique que vous aurez vue depuis longtemps.
Disponible en VOD depuis le 6 avril 2020.