Howard Phillips Lovecraft avait sans doute rêvé d’un Mythe de Cthulhu intemporel. Les Éditions Sans-Détour ont vraisemblablement pensé de la même manière. Pour preuve, Byzance An 800, premier livre d’une nouvelle série intitulée «Le Mythe au cœur de l’histoire», bien évidemment consacrée au jeu de rôles l’Appel de Cthulhu. Après les années «1890», «1920» et «de nos jours», les valeureux investigateurs vont pouvoir plonger dans l’antiquité. Des soirées de jeu peu communes en perspective!
Attention: pavé! L’opus en question se présente sous la forme d’un livre de 424 pages à couverture rigide. De quoi caser bien des informations sur cette période inconnue des rôlistes en général. L’intérieur, en noir et blanc comme les autres suppléments de la gamme, abrite de nombreuses illustrations d’ambiance, plans et autres motifs aérant la lecture. Petit bonus: une carte générale, double page, en couleur!
Comme souvent dans la gamme éditée par les Éditions Sans-Détour, ce livre se lit avant tout à la manière d’un guide historique, presque touristique. En deux épais chapitres de, respectivement, 190 et 79 pages, la partie authentique enchantera les Gardiens, les Joueurs et les amateurs de réalisme.
Le chapitre consacré à «L’Empire byzantin» en reprend la chronologie (de -667 à 870) présentée comme la rédaction d’un lettré de l’époque chargé de ce travail. L’histoire de l’Empire est ponctuée de guerres, d’invasions, et de successions d’empereurs. Sans oublier la défense de la civilisation romaine malgré la présence de cultes païens et d’hérétiques, pour ne citer que ceux-ci. Ensuite vient l’explication du système hiérarchique. De l’Empereur aux paysans, en passant par les aristocrates et les eunuques. L’agencement des villages, avec le rôle des agriculteurs et des artisans, propriétaires ou locataires de leur commerce, mais aussi les institutions politiques. La vie quotidienne à l’époque est largement documentée. De la place de chacun aux loisirs, en passant sur les habits, les repas, le mariage… La religion, dont l’importance est ancrée dans les mœurs, est décrite également. Le voyage se poursuit dans les pays proches entourant le monde byzantin. De l’Asie mineure aux Balkans, en visitant la Grèce, l’Italie, la Sicile et la Sardaigne sur le trajet, entre autres. Descriptions historiques et géographiques à la clé, de quoi faciliter la tâche du Gardien des Arcanes. Le commerce en Méditerranée conclut l’ensemble avec des images de monnaies et des tableaux de coûts.
L’épais chapitre titré «Jouer à Byzance» contient tout le nécessaire pour incarner des investigateurs à cette époque mouvementée. La «création de personnage» indique les nouvelles caractéristiques, les peuples, les occupations et, bien sûr, les compétences modifiées pour ce cadre particulier. La principale différence avec une partie de l’Appel de Cthulhu habituelle est centrée sur la Foi, une caractéristique dont découlent la Piété, la Conviction et la Ferveur. D’un fonctionnement proche de la «Santé mentale», la Conviction est utilisée pour résister ou non à l’influence mentale des horreurs enfantées par le Mythe de Cthulhu. Sachant qu’un score trop bas deviendra comme une porte ouverte à l’indicible dans le mental de l’investigateur. Le chapitre est plutôt bien fait et le lecteur comprend rapidement ce qu’il est possible de faire avec les différents scores liés entre eux. L’aspect religieux est particulièrement intéressant afin de décrire les effets positifs ou négatifs. «Les traditions spirituelles» décrit de nouvelles règles en rapport avec la magie divine en général. Du moins, selon la vision qu’en ont les différentes religions. Plusieurs sorts sont aussi détaillés de leur score minimal en Conviction à leurs effets, sans oublier leur coût en points de magie et de ferveur. En fin du livre, une fiche de personnage spécifique, en deux feuillets, attend d’être remplie (ou à télécharger sur le site de l’éditeur).
Dans le chapitre «Mettre en scène Byzance», le Gardien des Arcanes trouvera plusieurs événements réels accompagnés de leur sens d’un point du vue Mythe de Cthulhu. Bref, des renseignements à ne pas laisser sous les yeux des joueurs!
Pour conclure cet épais livre, quoi de meilleur qu’une mini-campagne? En trois scénarios, «L’idole de la cité oubliée» expédie les personnages à la poursuite des coupables d’un meurtre perpétré sur un marchand. Il s’en suivra bien des péripéties tout en confrontant les investigateurs à de nombreux aspects du monde de Byzance. Du grand art! Par contre, pas d’aides de jeu à découper ou à photocopier, cette fois-ci.
Au final, un authentique voyage dans le temps tout à la fois pour aller voir ce qu’était le Mythe de Cthulhu en ces années 800 ou, plus simplement, pour un dépaysement garanti. Mais que les joueurs prennent garde aux coutumes de l’époque. En effet, dépouiller un adversaire décédé était très mal vu dans l’antiquité. Voire même, considéré comme un péché. À bon entendeur…