On se souvient que le festival de Cannes a été plusieurs fois marqué par la griffe de Quentin Tarantino. Son talent de metteur en scène avait été remarqué avec Reservoir Dogs en 1992 et reconnu en 1994 en recevant la palme d’or pour son film culte Pulp Fiction avec lequel il donnait un bon coup de pied dans la fourmilière du cinéma américain. Cette année, il est évident que le seul nom du maître a suffi pour que son dernier film Boulevard de la mort (Death Proof) soit sélectionné dans la compétition officielle. Le public cannois attendait beaucoup de cette présence qui fut, mardi 21 mai à 22h30 au palais des festivals, l’un des deux événements principaux (avec Ocean’s Thirteen de Steven Soderbergh, présenté hors compétition deux jours plus tard) de ce soixantième anniversaire du Festival International du Film. Gilles Jacob et Thierry Frémaux avaient mis les petits plats dans les grands pour la montée des marches où toutes les stars américaines venues sur la Croisette se sont bousculées. C’était LA soirée à ne pas manquer et malgré l’ouverture du grand théâtre Louis Lumière et de la salle Bunuel, toutes les personnes munies d’une invitation n’ont pas réussi à assister à la projection du film annoncé comme phénoménal.
Boulevard de la mort est la première partie de Grindhouse, un diptyque qui rend hommage aux films de série B américains des années soixante-dix et dont la seconde partie sera un long métrage de Robert Rodriguez intitulé Planet Terror (dont la sortie n’est pas encore prévue en France). Face à l’échec cuisant au box office dans les pays d’Amérique du nord (la production du film a couté 53 millions de dollars alors qu’il n’a engrangé que 25 pour le moment), les producteurs ont décidé de sortir les deux films séparément dans le reste du monde, et Quentin Tarantino de refaire le montage de son opus en incluant des scènes inédites proposant ainsi une oeuvre de 127 minutes.
Le film relate le destin de deux bandes de jeunes filles américaines, parmi lesquelles Arlene (Vanessa Ferlito), Shanna (Jordan Ladd), Abernathy (Rosario Dawson), Lee (Mary Elizabeth Winstead), Kim (Tracie Thomas), qui, au détour d’une route, font la douloureuse rencontre de Mike (Kurt Russell), un cascadeur balafré et inquiétant qui les suit sans se dévoiler, tapi dans sa voiture indestructible…
Réalisateur, metteur en scène et directeur de la photographie, Tarantino s’est attaché à recréer le charme désuet d’un genre qu’il affectionne tant: une fausse bande annonce vient ouvrir le film qui arbore un montage truffé de faux raccords, d’erreurs dans la bande son et une image granulée. Malheureusement, même si le film est plein de bonnes intentions sur le plan esthétique, il souffre d’un scénario plutôt primaire et sans aucune surprise. L’audace de Tarantino à citer explicitement des films comme L’Oiseau au plumage de cristal de Dario Argento (1970), pour n’en citer qu’un, en pillant la technique narrative et la bande originale de Morricone sans aucune appropriation personnelle, est une marque du peu d’imagination du réalisateur qui signe ici son plus mauvais film en 15 ans. Je passe sur le reste de la bande originale (je ne sais pas trop si « originale » est le bon adjectif, mais passons !) qui couvre certains passages des dialogues au lieu de les accompagner. Le film souffre d’une première partie qui traine en longueur notamment avec des dialogues superficiels, plats et inutiles qui tendent à distiller un ennui général. Mais où sont passées les répliques cultes de ses précédants films ? Quand à la seconde partie, la poursuite finale, qui devait être pourtant le point culminant de tout le film, est tout simplement décevante sur tous les plans (mise en scène, scénario, rythme…).
Tarantino use des plus mauvais trucs des séries B des années soixante-dix pour faire un film sans aucun intéret. Mais que les fans se rassurent, la touche de Tarantino est bien présente, reprenant ses thèmes favoris que sont les pieds féminins et les voitures américaines.
(1) Salle de cinéma spécialisée dans la projection de films de série B aux Etats-Unis.