Tout le monde l’appelle « Le Prévôt ». Enfin tout le monde… Surtout ses clients, ses fournisseurs et le reste de la lie habitant Basse-Fosse. Il eut une autre vie avant d’être un dealer et le co-propriétaire d’un bouge. Il fut soldat, puis Agent de la Couronne.
Son passé d’enquêteur le rattrape quand des enfants commencent à être enlevés et tués dans ce quartier de la ville abandonné de tous. Qui va rechercher un meurtrier ici sinon lui ? Les autorités ne s’intéressent pas à ces rebuts de l’humanité et les pauvres hères sont trop occupés à survivre au jour le jour pour s’inquiéter d’un mort de plus ou de moins.
Pourtant Le Prévôt va rapidement se rendre compte que ses investigations dérangent, et que sa disparition ne suscitera aucun émoi. Entre chasseur et gibier il va devoir choisir son statut et rapidement.
Le thème, un thriller dans un monde de fantasy, et le héros, un raté plutôt laid et toxicomane, n’est pas sans rappeler la série des Thraxas de Martin Scott. La comparaison s’arrête pourtant là. Daniel Polansky a choisi un univers beaucoup plus sombre, proche de l’Angleterre victorienne de Jack l’Eventreur (la couverture pourrait d’ailleurs être un clin d’oeil à ce célèbre assassin). Le reste du monde n’est presque jamais évoqué, toute l’histoire se déroule dans Basse-Fosse. Un quartier sale, malfamé, où pour nombre d’habitants la mort est une compagne sinon un soulagement.
Les rares évocations du passé du Prévôt ne font qu’enfoncer le clou. Son enfance pendant la peste, son passé dans les tranchées pendant la dernière grande guerre, ses années aux services de la Couronne où il a embrassé les méthodes d’interrogatoire de ce service de police craint par toute la population, même celle des beaux quartiers ; tout est en place pour décrire un homme cynique, désabusé, sans espoir et sans amour.
Le style est bien adapté à l’histoire, avec ce qu’il faut d’humour décalé pour alléger les passages les plus difficiles. L’intrigue démarre rapidement et reste prenante, malheureusement le dénouement est tellement prévisible que cela gâche un peu le plaisir.