En délicatesse avec ses ex-comparses de Gloryhammer, Thomas Winkler, alias Angus McFife, a changé son nom et abandonné son marteau. Désormais à l’action sous le nom d’Angus McSix, le chanteur suisse s’est trouvé une nouvelle arme-fétiche, l’épée Sixcalibur, et surtout trois compagnons de route de grande qualité. Parmi eux, Thalestris, « reine des Amazones-laser de Calédonie », a répondu à notre invitation et a volé à dos d’aigle jusqu’au portail de Khimaira pour nous conter les premiers exploits de cette nouvelle bande d’aventuriers extraordinaires.
Khimaira : Bonjour Thalia, l’album d’Angus McSix est sorti il y a quelques jours et si je ne m’abuse, le groupe et toi aviez déjà commencé une tournée avec une première série de concerts en Allemagne…
Thalia « Thalestris » Bellazecca : Exactement, et tout s’est passé à merveille, le public était au rendez-vous. Les gens se sont montrés très réactifs, ils ont chanté avec nous — en tout cas les deux titres qu’ils connaissaient déjà, Sixcalibur et Master of the Universe, qui ont été diffusés en singles. Et puis vendredi dernier, l’album est sorti, et dès le lendemain soir le public a repris en chœur deux ou trois chansons de plus. Un accueil vraiment fantastique !
Je ne te cache pas que j’ai été plutôt surpris de te retrouver au sein d’Angus McSix. Je suis attentif à ce que tu fais depuis les premiers albums de ton groupe précédent, Frozen Crown, et te voilà dans un univers totalement différent…
C’est juste, et ça me plaît énormément. L’univers d’Angus McSix est très théâtral, et je m’y sens tout à fait à mon aise. Sur scène, je m’amuse encore plus qu’avant : j’assure une partie des chœurs, donc en plus d’être à la guitare, je découvre sur scène la pratique du chant. C’est vraiment amusant, et en plus de nous avoir permis de prendre nos marques, ces premiers concerts nous ont confortés dans l’idée de pousser encore plus le côté spectaculaire de notre jeu de scène. C’est quelque chose que nous allons certainement cultiver à l’avenir.
L’humour très second degré d’Angus McSix, c’est donc un aspect du projet qui t’a particulièrement séduite ?
Oui, sans hésiter ! Pour la première fois, je joue dans un groupe qui, dans une certaine mesure, ne se prend pas au sérieux : on ne prend pas la musique à la légère, évidemment, et on n’est pas non plus dans l’auto-dérision permanente. Disons que nous sommes dans une sorte d’entre-deux, à mi-chemin entre un côté comique exubérant et quelque chose d’un peu plus réfléchi et contenu.
Dans cet ordre d’idées, ce qui m’a frappé c’est le contraste entre la sophistication de la musique et des paroles, qui sont très bien écrites, et la teneur disons enfantine de certains textes…
(Rires) Je pense que tout cela est assez bien équilibré. Il y a des chansons où l’on raconte l’histoire des personnages que nous incarnons, où l’on explique qui a fait quoi, et les différentes batailles qu’ils ont livrées. Et puis il y en a d’autres, par exemple Laser-Shooting Dinosaur, avec cette description délirante d’un tyrannosaure-robot fabriqué à Tokyo, qui nous permet de donner dans le divertissement à 100%. En concert, quand nous attaquons ce titre, un de nos techniciens débarque sur scène déguisé en dino, c’est vraiment rigolo !
En élaborant vos personnages, vous n’avez pas craint que celui de Thomas prenne un peu trop le pas sur les autres membres du groupe ?
C’est vrai que le groupe a été créé dans le but de mettre en avant à la fois la personne et le personnage de Thomas. C’est pour cette raison qu’Angus McSix est aussi le nom du groupe, et que tout a été pensé pour qu’il occupe le devant de la scène. Les autres membres sont en quelque sorte ses auxiliaires : dans l’histoire, nous ne sommes là que pour l’aider à vaincre le grand méchant, et c’est un point sur lequel nous nous sommes tous mis d’accord dès le début.
Thomas vit en Suisse, toi en Italie et les deux autres musiciens sont en Allemagne. Ce n’est pas difficile de monter un groupe et ensuite de le faire vivre quand on est séparés par ces distances ?
Tout dépend des personnes impliquées. Je trouve les autres membres du groupe tous très sympathiques et dynamiques. Nous nous sommes retrouvés tous les quatre pour la première fois en juin dernier. C’était en Serbie, à Belgrade, où nous avons tourné les deux premiers clips. Depuis on se parle beaucoup par écrans interposés et on a aussi réussi à se connaître un peu mieux et à créer des liens pendant nos sessions de répétition. Alors en fin de compte ce n’est pas si compliqué de maintenir le contact.
Ce premier album s’inspire de la série animée des années 1980 Les Maîtres de l’univers. Tu ne trouves pas ça un peu trop gamin et masculin, quand même ?
Étant née en 2000, je n’avais qu’une vague idée de la série. Mais j’en avais souvent entendu parler, alors le sujet m’a quand même accrochée et j’ai regardé quelques épisodes. En effet, je ne vais pas te donner tort, c’est assez masculin comme programme, et ça s’adresse très nettement à un jeune public. Mais justement, parmi les spectateurs de nos premiers concerts, il y a eu tout un tas de gamins, des familles entières même, qui sont venus nous voir et qui portaient déjà des t-shirts du groupe ! Les enfants voulaient se faire prendre en photo avec nous, c’était vraiment craquant ! C’était surprenant de voir tous ces petits qui grandissent en écoutant du metal, et j’imagine ce qui doit se passer dans leurs têtes quand ils voient débouler notre dinosaure sur scène !
En dehors des Maîtres de l’univers, la fantasy est-elle un genre qui t’est familier ?
Oui, bien sûr, c’est un genre qui m’a toujours plu, avec des titres comme Le Seigneur des anneaux, évidemment, ou Le Hobbit. Et les films Marvel, aussi, vu que nos personnages sont à mi-chemin entre des personnages de fantasy et des super-héros.
Je voulais justement t’interroger au sujet de ton personnage de reine des Amazones : est-ce toi qui l’a choisi ou bien s’agit-il d’une décision collective du groupe ?
C’est une décision de Thomas. Il avait déjà ce personnage en tête quand il m’a contactée pour me proposer de rejoindre le groupe. L’idée m’a parue plutôt bonne, alors je ne m’y suis pas opposée. L’aspect du costume, en revanche, on l’a choisi ensemble, même si, là encore, Thomas avait une vision assez précise de ce qu’il voulait. Il avait envie que je porte une tenue qui fasse penser à une armure. Il a fait appel à une styliste de New York qui l’a dessinée selon nos souhaits et qui l’a réalisée.
En ce qui concerne la musique, est-ce que tu as pris comme un défi personnel de devenir guitariste pour un groupe de power metal symphonique ?
Oui, tout à fait. Je prends toujours comme un défi le fait de jouer dans des styles musicaux qui ne correspondent pas complètement à ce dont j’ai l’habitude. Quand je prends ma guitare en privé, j’ai plutôt tendance à faire du black metal ou du thrash, des choses qui, d’un point de vue technique, sont un peu plus compliquées. Les parties de guitare d’Angus McSix sont un peu plus faciles, quoique parfois aussi un peu difficiles car l’accordage de l’instrument est particulier, obligeant à des positions de la main très différentes. Mais le défi consiste aussi pour moi à prendre une part plus active sur scène, plus que si j’étais présente uniquement comme guitariste : il s’agit maintenant de chanter dans les chœurs et d’interagir plus fortement avec le public. Avec Frozen Crown, c’était différent, j’étais plus en retrait par rapport à la chanteuse.
En tant qu’auditrice, peux-tu me donner quelques noms d’artistes que tu écoutes souvent ?
Beaucoup de thrash et de black, mais aussi du « theatrical metal » — je ne sais pas si peux définir ça comme ça. Megadeth, aussi, c’est un groupe que j’écoute à peu près tous les jours. Hypocrisy, Sceptic Flesh, Porcupine Tree, Mastodon… Finalement, je dois avouer que je n’écoute pas tellement de power metal, même si c’est un style que j’ai beaucoup de plaisir à jouer.
À quel âge as-tu commencé à apprendre la guitare ?
À l’âge de huit ans, avec un professeur qui m’a donné des cours jusqu’à ma majorité. Et depuis deux ans je prends des cours de solfège exclusivement, afin d’en apprendre plus sur le fonctionnement de la musique, à un niveau théorique. Depuis une date récente, je me suis mise à écrire mes propres morceaux. J’ai envie de voir si le travail de la composition est aussi fait pour moi ou s’il est préférable que je continue à jouer la musique écrite par d’autres.
Pour maintenir ton excellent niveau, combien d’heures par jour t’exerces-tu ?
Trois ou quatre heures si mon emploi du temps le permet. Sinon une heure et demie à deux heures, dans le cas où j’ai une journée vraiment chargée. C’est le minimum que je doive pratiquer si je veux conserver ma dextérité.
J’ai vu que tu avais créé une chaîne YouTube où tu joues des reprises de Joe Satriani et autres. Dans quel but l’as-tu créée ?
J’ai ouvert cette chaîne quand j’avais 16 ans en publiant une vidéo de qualité très moyenne où je faisais de l’impro. Ensuite je me suis prise au jeu en essayant d’améliorer la qualité, celle de l’image comme celle de la musique que je jouais, dans le but surtout de faire remarquer ma technique et mon habileté avec l’instrument, ce qui est difficile à faire autrement quand on joue avec un groupe. C’est une chaîne que j’ai un peu délaissée ces derniers temps, et je me dis que ce serait bien si je pouvais la réactiver un peu en publiant une, ou peut-être deux vidéos par mois.
Le temps n’est pas extensible, c’est vrai, et je crois savoir que tu collabores aussi avec d’autres groupes qu’Angus McSix ?
C’est juste, je joue aussi dans deux autres groupes : avec Exilium, un groupe de folk metal italien, ainsi qu’avec Reboot, avec qui j’enregistre des reprises façon hard rock de titres de chanteuses italiennes. Je nourris aussi l’ambition de faire quelque chose en solo mais, pour l’instant, c’est un projet qui est encore dans un carton : j’ai des idées, mais encore rien de concret, j’en suis encore au stade de la réflexion.
Et les nombreuses dates de concert à venir avec Angus McSix ne vont pas te laisser tellement de loisirs !
Oui, notre tournée va reprendre en juin avec un concert au festival Into The Grave, aux Pays-Bas. Ensuite, si je me souviens bien, on partira pour le Danemark, à Copenhague, et on a également des dates prévues en juillet dans trois ou quatre festivals, en République Tchèque, en Autriche et en Allemagne. En août, nous serons au Wacken Open Air et aux Leyendas del Rock en Espagne. En octobre, nous jouerons dans un festival à Majorque, où honnêtement j’ignorais qu’il existait un festival de metal — et Majorque, c’est vraiment chouette, il me tarde d’y être ! J’ai aussi prévu de monter sur scène avec mes deux autres groupes, pourquoi pas également hors d’Italie mais ça risque d’être plus difficile car nous chantons en italien, et ce n’est pas évident de s’exporter dans ce cas-là…
C’est vrai ça, personne ne parle italien !
(Rires) Ha ha ha ! [Cet entretien a été mené en italien — NdR]
Dans ta liste de concerts, tu as oublié la France ! Aucune chance de vous voir sur scène prochainement dans l’Hexagone ?
Eh non, on n’a rien de prévu, on ne jouera pas pour les Français en 2023 ! Alors l’an prochain, espérons…
Propos recueillis le 26 avril 2023. Un grand merci à Anaïs Montigny et Magali Besson (Sounds Like Hell Productions) ainsi qu’à Lukas Frank (Napalm Records).
L’album Angus McSix and the Sword of Power est sorti le 21 avril 2023.