L’an dernier ont fait leur apparition dans le catalogue des Humanos les « Fées des sixties », série collégiale d’urban fantasy (réalisée par des duos/trios différents à l’écriture et au dessin de chaque album) dont nous avons expliqué le concept à la sortie du premier volume (Les Disparitions d’Imbolc, (re)lire ici notre chronique). En définitive, seuls les deux tomes initiaux sont sortis séparément en librairie, des récits qu’on retrouve à présent dans cette intégrale, Ailé(e)s, compilés avec deux autres histoires restées inédites. Et les titres ont changé : Les Disparitions d’Imbolc devient Ailith et le tome 2, L’Ange de Manchester s’intitule maintenant Anann. Autrement dit les noms des personnages principaux, à chaque fois des être magiques, des fées, sorties de leur monde pour s’aventurer dans le nôtre. Quitte à s’y brûler les ailes, les humains étant nombreux à traiter ces « monstres » pourtant inoffensifs avec dédain, méfiance et hostilité…

Comme les deux premiers récits, les nouvelles histoires, Carrie (extrait ci-dessus) et Amar (cases ci-dessous), tiennent des propos engagés en faveur de la tolérance à la différence. Carrie, aspirante journaliste en butte à la misogynie de ses collègues, tous masculins, se découvre fée et enfant adoptée ; Amar, jeune sergent de Scotland Yard de confession sikh, travaille en supportant l’animosité de collègues dérangés par son teint hâlé et son turban. L’épiphanie vécue par Carrie conduit la fée à remonter à ses origines, un chemin qui va s’avérer périlleux. Amar, quant à lui, enquête sur un meurtre de fée, une investigation qui lui permettra de mettre au jour un odieux trafic.

Concernant le fond, on pouvait craindre que les scénarios fassent figure de catalogues didactiques de préjugés discriminatoires, brocardant tour à tour le sexisme, le racisme, et bien sûr l’homophobie (l’analogie de la haine des fées avec l’hostilité des homophobes contre les gays et lesbiennes est évidente, le parcours de Carrie lui faisant même découvrir un « refuge », maison d’accueil pour les fées ostracisées, qui se sentent perdues). Cependant l’écueil est évité grâce à la finesse de l’écriture : de premier comme de second plan, et qu’ils soient fées ou humains, les personnages sont riches d’une grande épaisseur, on y croit sans faillir et on ne peut réprimer quelques pincements au cœur lorsque le destin se montre cruel avec eux. Et dans la forme, la lecture est aussi un bonheur, quels que soient les pinceaux à l’œuvre, avec des planches superbement dessinées, dans des styles certes distincts d’une histoire à l’autre mais qui s’accordent parfaitement. Comme quoi il n’y a aucune raison que les différences nuisent à l’harmonie.

En librairie depuis le 2 octobre 2024.