C’est au festival de Gérardmer 2009, le lendemain de la présentation de Mutants devant une salle comble, que Khimaira a rencontré David Morley. Discussion relax dans un cosy chalet vosgien devant une tasse de café… Sortie de Mutants dans les salles le 6 mai 2009.

Qu’as-tu pensé de l’accueil chaleureux du public hier soir ?
Je suis très, très content. C’était la première européenne du film, en plus dans un festival qui compte beaucoup pour moi puisque j’y ai été récompensé par le passé pour un de mes courts métrages (Organik, Grand Prix 2005 du court métrage — NdR). C’était énorme !

Est-ce que ce Grand Prix, obtenu il y a quatre ans, t’a aidé pour la suite de ta carrière ?
Oui, bien sûr. Cette récompense a attiré l’attention sur moi, et tout est parti de là : j’ai été contacté par Alain Benguigui et Thomas Verhaeghe, qui avaient très envie de produire du cinéma « de genre ». J’avais, de mon côté, quelques pistes pour raconter une histoire de zombies. Mon idée principale tenait en une question : qu’est-ce que je ferais si, tout à coup, la personne que j’aime, la personne la plus importante à mes yeux, devenait également la plus dangereuse ? Cette idée de départ, intégrée à une histoire de morts-vivants, me semblait très puissante, et elle a aussi séduit les producteurs, qui m’ont donné le feu vert pour me lancer dans l’écriture de Mutants.

Cela dit, Mutants n’est pas exactement un film « de zombies », mais plutôt un film « d’infectés », et il arrive après deux titres très célèbres, 28 Jours plus tard et 28 Semaines plus tard. En quoi ton film est-il différent ?
Ces films spectaculaires sont évidemment des références incontournables. Cependant, Mutants étant mon premier long métrage, je souhaitais mettre en scène un film plus simple, et la notoriété de 28 Jours… et 28 Semaines… m’a finalement servi : le cadre de mon histoire, ainsi que les codes inhérents aux films de ce genre, sont maintenant bien connus du public, et je n’étais donc pas obligé de débuter par une phase d’exposition. J’ai pu me focaliser directement sur les personnages, sur leur psychologie. Et c’est sans doute de ça que Mutants tire son originalité puisqu’il s’agit avant tout d’une histoire d’amour.

Une histoire d’amour, soit, mais c’est aussi un film d’action très physique dans lequel tes comédiens ont été mis à rude épreuve…
C’est vrai, et j’avais pris la précaution de leur expliquer clairement tout ce qui les attendait ! C’était en effet un tournage très éprouvant, un vrai marathon car il a fallu mettre le film en boîte en à peine trente jours. On a tourné dans la montagne, parfois par -10°, et certains comédiens devaient jouer avec des prothèses, des lentilles dans les yeux… Physiquement, ce n’était pas du tout évident, pour Hélène de Fougerolles comme pour Francis Renaud, et même pour Dida Diafat. Mais finalement, ces conditions pénibles les ont motivés et les ont poussés à accepter de me suivre dans cette aventure. Ils ont pris sur eux, ont vraiment morflé, mais ils ont tous brillamment relevé le défi.

Beaucoup de comédiens sont finalement très demandeurs de ce genre d’expérience…
Tout à fait. Il s’agit d’exprimer toute une palette d’émotions en donnant à 200%, et les acteurs sont d’autant plus motivés que ce type de rôle est encore rare dans le cinéma français, même si les choses, heureusement, tendent à évoluer depuis quelque temps.

Il y a effectivement de plus en plus de jeunes metteurs en scène qui ont à cœur de faire du cinéma de genre, du cinéma d’horreur… Vous sentez-vous proches les uns des autres ?
On se connaît un peu tous, c’est vrai, et ces relations ne se limitent d’ailleurs pas aux seuls réalisateurs : on retrouve sur les tournages les mêmes techniciens, les mêmes maquilleurs… De mon côté, je connais bien Julien Maury, Xavier Gens… On a tous en commun la volonté chevillée au corps de tourner des histoires qui nous plaisent, c’est-à-dire des films dont on rêve et qu’on aurait grand plaisir à voir en tant que spectateurs. Maintenant, chacun s’exprime selon sa propre sensibilité, ce qui donne des films très différents les uns des autres, mais tous sincères, sans concession.

Il existe quand même des contraintes, notamment de budget, avec lesquelles les cinéastes doivent parfois composer. Dans Mutants, as-tu pu montrer tout ce que tu avais en tête ?
Non, je dois l’admettre, chaque film comporte son lot de compromis… on n’a jamais assez de temps ni assez d’argent pour pouvoir filmer tout ce que l’on voudrait. Mais j’ai pu raconter exactement l’histoire que je voulais raconter, et, en ce qui me concerne, c’est l’essentiel !

Comment as-tu préparé le tournage ? Travailles-tu avec un story-board ?
Il y a des scènes où un story-board s’avère indispensable, par exemple toutes les séquences à effets spéciaux compliqués, qui exigent d’avoir tout planifié avant de filmer. Mais la plupart du temps, je préfère laisser une part importante à l’improvisation, je ne veux pas m’enfermer dans un carcan. J’adore élaborer le tournage d’une scène en arrivant sur le plateau, en discutant avec les techniciens, les comédiens… De temps à autre, j’aime aussi faire une prise en roue libre, en laissant les comédiens évoluer librement. On ne sait jamais à l’avance ce que ça peut donner, et c’est passionnant.

Qu’est-ce qui a présidé au choix des effets spéciaux ?
J’ai confié la direction artistique à Olivier Afonso; avec qui je travaille depuis plusieurs années. Concernant les maquillages, j’ai collaboré avec Laetitia Hillion et Frédéric Lainé; qui sont deux grands talents actuels en matière d’effets spéciaux. On a beaucoup réfléchi en amont du tournage pour définir exactement ce à quoi allaient ressembler nos « mutants ». Je voulais rester dans le domaine du plausible, avec des créatures humanoïdes, en bannissant toute aberration physique du style bras de trois mètres, machoires hypertrophiées, etc. Si exagération il devait y avoir, c’était uniquement dans le comportement bestial des personnages infectés. On a visionné plein de choses très diverses, aussi bien des documentaires animaliers sur les grands singes ou les crocodiles que des matchs de free fight ! On a aussi beaucoup travaillé sur le son pour donner une identité spécifique aux créatures, à travers leur façon de crier, ainsi que sur leur manière de se déplacer comme une sorte de meute désordonnée.

Le décor de l’hôpital, également, est impressionnant. Qu’est-ce que c’est que cet endroit ?
C’est un lieu qu’on a trouvé un peu par hasard, dans les Alpes, sur les hauteurs de Chamonix. C’est en fait un ancien sanatorium, abandonné depuis longtemps mais qui n’a pas été vandalisé. Quand on est arrivés là, pendant les repérages, cette bâtisse était dans un état impeccable, et j’ai vite compris qu’elle pouvait devenir un personnage du film à part entière, à condition de modifier un peu le scénario pour exploiter au mieux ce décor. Ce labyrinthe de couloirs était vraiment flippant.

Au final, quel impact as-tu souhaité provoquer sur les spectateurs ?
J’ai voulu que le public ressente le film de manière viscérale, mais sans pour autant avoir recours à des effets très gore. Bien sûr, il y a quand même pas mal de sang, mais Mutants est surtout un film à l’atmosphère tendue. Il est seulement interdit aux moins de douze ans, assorti d’un avertissement, et je trouve ça très bien. Je veux que les spectateurs comprennent que l’histoire est avant tout celle d’un couple qui s’aime et qui lutte, confronté à la maladie.

 

Remerciements à Tristan Tramoni