Bien souvent aujourd’hui, les affiches de film se résument à une simple photo flanquée du titre du long métrage, et le standing de la production n’a rien à voir avec la pauvreté des visuels (qu’on jette un œil, par exemple, aux affiches des derniers James Bond avec Daniel Craig, toutes d’une platitude soporifique). Mais on ne peut pas non plus se vautrer, tout aussi paresseusement, dans le piège du « c’était mieux avant », en arguant du fait que les devantures des cinémas furent jadis décorées de posters confiés aux bons soins de graphistes de talent, et que cette époque est révolue. Car lesdits graphistes existent toujours. J’en veux pour preuve Laurent Durieux, artiste belge à qui Marc Godin consacre un long article dans ce numéro 2 des Lendemains qui hurlent, l’appétissante feuille de chou (je dis cela en toute affection) éditées par les Humanos. Spécialiste de l’affiche alternative, Durieux ne s’expose pas dans les multiplexes parfumés au pop-corn mais surtout dans les galeries d’art, voire, tout de même, dans les cinémas lorsqu’une œuvre prestigieuse ressort et qu’un distributeur audacieux souhaite l’assortir d’une affiche qui tranche avec les goûts et styles standardisés. Et notre bonhomme, mû par le désir de composer des œuvres qui donnent à voir « l’âme du film », a concocté toute une collection de merveilles graphiques qui, pour certaines, évoquent certaines couvertures de romans plus que des affiches de cinéma (voir ci-dessous son élégante version de Jaws/Les Dents de la mer, comme un instantané croqué sur la plage, qui aurait de quoi imposer Durieux comme un digne successeur d’Edward Hopper).

Soi-même livre-poster (dépliant), Des Lendemains qui hurlent a pour ambition de passer en revue, en cinq numéros, 50 ans de pop-culture. Après une première édition consacrée à la décennie 1975-1985, le présent fascicule explore les années 1985 à 1995. D’où une jolie frise chronologique qui court sur près d’un mètre de longueur et rappelle à notre bon souvenir aussi bien They Live de John Carpenter que le premier Batman de Tim Burton, ainsi que la chute du mur de Berlin, la consécration de Quentin Tarantino, les sorties de jeux vidéos qui ont fait date, etc. On pourrait déceler dans l’entreprise un poil de nostalgie et c’est le cas lorsque la rédaction tend le micro à Antoine De Caunes, qui vient analyser ce que fut le fameux « esprit Canal », à l’époque où la chaîne cryptée était un véritable robinet d’inventivité impertinente, loin, si loin des canons actuels consensuels, bien-pensants et normatifs. Il y a d’autres choses encore, mais inutile d’en révéler plus. Si la lecture de ces quelques lignes vous a donné envie de dépenser utilement 7,50 euros, vous êtes peut-être déjà sur le point d’enfiler baskets et manteau (il ne fait pas chaud aujourd’hui) pour vous précipiter dans la librairie de votre quartier. Transmettez nos amitiés à votre — on n’en doute pas sympathique — vendeur de littérature.

Disponible depuis le 4 décembre 2024. Prenez le temps d’aller aussi faire un tour sur le site officiel de Laurent Durieux !