Emilie Chazerand nous conte une histoire de prince pas comme les autres. Tout commence comme dans une histoire classique : un roi et une rien ont un fils et ils sont fous de joie, de bonheur et de fierté. Pourtant en grandissant, le petit prince est doux, intelligent, inventif et créatif et na pas beaucoup de goût pour les armes et la guerre. Otto grandit sans beaucoup d’amis et certains commence à murmurer de ses attirances pour les choses qui seraient celles des filles, les cheveux longs, la mode … pas très guerrier viril. Mais Otto, lui ne se pose pas ce genre de question, ce qui lui importe c’est d’être lui même et d’être bien dans sa peau et il ne se torture pas l’esprit, comme sa mère la reine et d’autres, pour savoir qui il est.
Un jour le royaume voisin, assoiffé de conquête déclare la guerre et provoque le jeune Otto en duel, ses parents sont fous d’inquiétude, comment transformer un prince doux et cultivé en machine de guerre en l’espace de quelques heures ? Tout le monde attend avec impatience presque et notamment ceux qui ont surnommé Otto : la princesse aux petites noix.
Face à Otto un autre prince, enfermé lui aussi dans les stéréotype du genre et les contradictions imposées par sa famille et la société. Lorsque Baldur va découvrir le prince Otto, il va tout de suite comprendre que non, la guerre n’aura pas lieu, que non il ne le massacrera pas, parce qu’ils ont autres choses à partager et ainsi deviendront-ils amis.
Stéphane Kiehl donne une saveur toute particulière à cette histoire avec ses illustrations qui donnent à Otto et à son entourage ces lignes fluides, fines, ses bras et jambes qui n’en finissent pas. Un petit côté folie douce renforcé par l’utilisation très particulière des couleurs, qui provoque des contrastes et des effets visuels particulièrement réussis, donnant ainsi aux Princes par exemple un côté presque flou, comme ce qu’ils ressentent face à leurs envies et leurs centres d’intérêt.
Cet album magnifique parle de différence, de garçons qui n’ont pas envie de suivre la voie tracée par leur ascendance et qui se sente souvent prisonnier, pas tellement de leur corps mais surtout du carcan de la société qui voudrait les assigner, à des fonctions, des rôles, des vêtements et des attitudes qui ne sont définitivement pas les leurs. On aime cette façon tout en douceur de parler de différence, de mélange des genres sans provocation, sans brusquer, juste histoire de dire que nous pouvons être différents, heureux et rendre les autres heureux (regardez dans quel état est le roi, père d’Otto face à son fil bien aimé). Fin, intelligent et beau : on aime beaucoup.