L’idée de départ est bonne : vaste territoire insulaire jusqu’alors dissimulé par des enchantements, l’Atlantide est finalement apparu aux yeux des humains lors des premiers vols de la conquête spatiale. Passé le préambule explicatif, où l’on apprend aussi qu’une guerre a ensuite opposé humains et Atlantes, l’action du roman débute à notre époque, alors que les survivants du continent mystérieux se sont trouvé un nouvel asile, l’île de Nantucket, au large du Massachussetts. Une société hiérarchisée, aristocratique, qui maîtrise la magie et dans laquelle évolue plus ou moins en marge Rune Saint-John, dernier représentant de la Maison Soleil. Flanqué de son inséparable Acolyte — son garde du corps — prénommé Brand, Rune gagne sa vie en tant que détective. Son job pour cette première aventure : retrouver Addam, un héritier atlante mystérieusement disparu…
Le postulat initial n’est pas mal trouvé, donc, il ressemble à celui imaginé par Pierre Pevel dans son « cycle d’Ambremer ». Mais la comparaison s’arrête là. Difficile en effet de mettre sur un pied d’égalité les merveilleux et très spirituels romans de Pevel, conteur hors pair, et cet ersatz d’urban fantasy lisse et plan-plan, qu’on dirait écrit pour servir de matière première à une série Netflix pour ados. L’intrigue évoque la grande tradition du film noir mais, à la place de Bogart, il faut se contenter d’un minet (dont on n’arrête pas de lire qu’il est très beau) sans cesse en proie à des émois érotiques, dès qu’il lui est donné de contempler les pectoraux d’untel ou les abdos finement sculptés d’un autre (il n’y a presque aucun personnage féminin, et tout le monde est gay). Les personnages défilent comme dans un soap, les chapitres s’enchaînent de même, sans aucune tension ni progression dramatique, à tel point que, passé la page 300, on cherche encore à comprendre le sujet de l’histoire, ainsi que le lien avec la cartomancie (chaque « maison » atlante est associée un arcane du tarot, une idée comme une autre mais ça ne mène à rien). Et à quoi peuvent bien rimer les commentaires élogieux des chroniqueurs américains dont on peut lire des extraits en quatrième de couverture ? Le voilà, le grand mystère du bouquin. Une chose est sûre : il faut cruellement manquer de références et d’exigence pour en arriver à tresser des lauriers à un produit comme celui-là.
En librairie depuis le 16 août 2023. Les deux épisodes suivants, Le Pendu et Le Trône de sablier, sont également disponibles. Le chroniqueur remercie les éditions Bragelonne pour l’envoi des trois tomes, mais il va lui falloir des trésors de volonté pour avaler la collection complète…