À seize ans, Hazel ne vit pas dans une communauté amish, mais c’est tout comme : au village, la vie est rythmée par les travaux agricoles, toutes les journées sont réglées et sans surprise. Seul événement notable : la cérémonie annuelle du Cyclage, au cours de laquelle tous les citoyens ayant atteint l’âge de soixante-cinq ans font leurs adieux à la collectivité avant d’être changés en compost ! Car nous ne sommes pas sur Terre mais dans un gigantesque vaisseau, le Daedalus, une arche spatiale en route vers un lointain nouveau monde, un pays de Cocagne où les ressources ne seront plus limitées. D’ici là, il faut se plier aux rituels auxquels chacun obéit aveuglément depuis des centaines d’années, génération après génération…
La situation peu enviable de ce microcosme nous est donc décrite par l’héroïne-narratrice, Hazel, un physique de rêve (c’est ce que pensent tous les garçons) mais aussi et surtout beaucoup de jugeotte et d’esprit critique. En lisant entre les lignes, on comprend dès les premiers chapitres qu’il y a plein de choses qui clochent dans cette société bien trop docile, des anomalies dont Hazel se rend compte peu à peu et qui vont l’amener à se rebeller. L’histoire apparaît au départ comme un mélange inattendu entre L’Âge de cristal et La Petite Maison dans la prairie, ensuite les chapitres suivent plutôt la trace des productions de SF à destination des ados/jeunes adultes qu’on a pu voir au cinéma dans les années 2000-2010 (Le Labyrinthe, Divergente, Les Âmes vagabondes, etc.), où s’émancipent dans l’action des teenagers frondeurs et audacieux.
En route vers des contrées que nul n’a jamais visitées, les personnages suivent donc, malgré tout, des balises qu’on a tôt fait de repérer. Mais attention, on ne s’ennuie pas pour autant : la morale de fond (en substance, méfiez-vous des dogmes) est de nature à édifier des esprits libres, et l’envers du décor champêtre, tel que vont le découvrir Hazel et ses amis, recèle des surprises nombreuses qui, distillées avec savoir-faire, relancent constamment l’intérêt qu’on porte à la lecture. Et que les amateurs de space opera se rassurent, ils ne resteront pas tout au long des 350 pages les deux pieds plantés dans le foin et le compost ! Sitôt bien engagée, l’intrigue redonne toute leur place aux attributs technologiques caractéristiques de la science-fiction (et on s’amuse des propos d’une IA fort sympathique, qui en connaît un rayon sur tout et qui a même le sens de l’humour). De quoi nous tenir en haleine tout l’été : le second tome de l’aventure arrivera le 6 septembre en librairie.
Paru le 7 juin 2023.