L’héritage vivace de la culture romaine n’est pas près de s’effacer de nos imaginaires, comme en témoigne la fascination qu’exercent toujours, entre autres, la barbarie ludique des fameux jeux du cirque et la figure du gladiateur. On sait que Ridley Scott s’apprête à tourner une suite à Gladiator, actuellement en phase de préproduction, et l’on se doute que beaucoup de monde ira voir le film à sa sortie. Mais ce ne sera pas avant l’an prochain, aussi le dessinateur et scénariste Francesco Trifogli ne se gêne pas pour griller la politesse à Ridley et signe cette année sa propre saga dédiée aux combattants de l’arène. Une épopée en trois volumes qui aurait pu elle-même faire un excellent sujet de film : l’histoire est celle du jeune Cleio, un fils d’esclave gaulois que le destin conduit à défendre chèrement sa peau sous les cris de la plèbe dans l’enceinte du Colisée.
La couverture accorde une place égale à l’auteur italien et à son inséparable et indispensable coloriste, Andrea Celestini. Forts d’une collaboration qui dure depuis maintenant pas mal d’années (voir leurs adaptations érotiques des célèbres contes européens — Cendrillon, La Belle et la bête, Blanche Neige), « Trif » et Celestini livrent ici une BD très documentée sur les usages romains. Après tout, c’est dans leur patrimoine national que les deux artistes vont chercher leur inspiration, il n’est donc pas suprenant de relever dans les pages de Thrace un souci constant d’exactitude historique concernant l’organisation de la société romaine. Les termes latins abondent dans les dialogues, heureusement accompagnés d’astérisques qui éclairent notre lanterne sur leur signification. La gymnastique est parfois un peu fastidieuse, mais on n’ira pas se plaindre d’enrichir notre connaissance de l’Antiquité, tout en savourant les étapes dramatiques jalonnant la vie du pauvre Cleio et de celle d’Adriana, la jeune fille romaine dont il est amoureux.
L’union entre une patricienne et un vulgaire esclave étant naturellement impossible, et le thème du couple d’amoureux malmenés par le sort étant un ressort dramatique inépuisable, on s’émeut volontiers de tout ce qui peut arriver de fâcheux aux deux héros. La pureté des sentiments côtoie la brutalité des châtiments corporels et des affrontements sanglants sur le sable de l’arène. C’est beau et cruel, et comme dirait Goscinny s’exprimant par la bouche d’Obélix, voilà un Thrace qu’on aura plaisir à suivre…
Disponible en version numérique. L’édition brochée paraîtra en librairie le 21 février 2023.