Le premier tome ouvre sur les Indes au début du XXème siècle alors que l’épidémie de choléra fait des ravages et que la panique court dans les bonnes familles de colons anglais. C’est à ce moment que vous allez faire la connaissance d’une petite fille au nez pointu, crispée, capricieuse qui à l’instar des images qui se tordent pour dire la mort et l’épidémie, apparait sous son plus mauvais jour. La mort frappe et la gamine est rapatriée dans un manoir anglais de la métropole chez un cousin de sa mère décédée. Mais le destin semble s’acharner. Sa nouvelle demeure a elle aussi été frappée par le malheur dix ans plus tôt, lorsque la maîtresse des lieux est morte en couche. Les caprices vont alors continuer et la petite fille est quasi enfermée dans sa chambre, le maître des lieux ne voulant pas la voir. Les illustrations là encore sont géniales, sombres et pleines de bruits fantomatiques, du vent qui hurle dans la lande et de l‘arrivée dans l’un de ses vieux manoirs sinistres qui semble s’être endormi sous la tristesse et le malheur.
C’est dans ce cadre que vont se dérouler les quelques semaines puis mois de l’installation de Mary. Bien évidemment cette petite teigne ne va pas obéir et va commencer à fureter dans le manoir, puis dans le jardin où un vieux jardinier bougon va se prendre d’affection pour elle et répondre à ses questions et lui faire découvrir un premier jardin. Mais, un jour Mary trouve une clef, probablement celle du jardin interdit, puis un autre jour la porte de ce jardin sous le lierre d’un mur et qui va lui permettre d’entrer dans un espace endormi lui aussi, donnant le sentiment de se retrouver dans le château de la Belle au Bois Dormant avec ses rosiers grimpants, tout gris et noirs de l’hiver qui règne. Mary très vite va se trouver des alliés dans cette vieille maison Martha puis son frère frère Dickon, un rouge gorge merveilleux, des animaux étonnants et peu à peu le caractère de la petite s’adoucit, l’appétit revient et elle rêve du jardin au printemps.
Tout est merveilleux dans ce premier tome : les illustrations sont absolument bluffantes, elles collent et suivent, devancent parfois, les ambiances, les humeurs et nous transportent dans un monde étonnant, torturé parfois et d’un coup lumineux et beau avec le retour du soleil. Le petit Dickon aux boucles rousses et aux grands yeux bleus donne le sentiment q’un farfadet est entré dans l’histoire apportant, bonheur, insouciance et plaisir. A la fin du premier tome va entrer en lisse un nouveau personnage et quel personnage. Le double au masculin de Mary, avec un caractère impossible, des caprices et des crises infernales, faisant trembler toute la maisonnée. Il est là depuis le début mais, on avait toujours empêché Mary d’aller dans ce coin du manoir. Mais une interdiction pouvait-elle tenir longtemps face à la volonté et au caractère bien trempé de la fillette ?
Cette rencontre nous propulse alors dans le tome 2. Lui aussi est fantastique, peu à peu les illustrations redeviennent belles et heureuses, peu à peu comme la vie qui reprend chez ces deux orphelins le jardin va lui aussi renaître au printemps et éclater de couleurs et de vie. Le père du petit garçon persuadé que son fils est mourant va revenir en urgence pour lui aussi trouver une occasion et des raisons de revenir à la vie et de sortir de son deuil si douloureux.
Ces deux albums sont merveilleux, l’autrice sait faire de la perte, du deuil et de la souffrance une histoire belle et folle avec en arrière plan cette nature et ces jardins anglais qui ne demandent qu’à vivre ou revivre comme ces deux enfants dont le deuil et la peine ont assez duré. Une énergie folle, une mise en couleur et des illustrations fabuleuses. Ces deux tomes sont merveilleux et à offrir et faire découvrir d’urgence.