Leurs noms ? Un mystère. Même leurs visages nous sont inconnus. On désigne les guerriers par leurs sobriquets — le Tribun romain, le Croisé, le Spartiate et le Viking. Mais sur les pochettes des albums un seul nom apparaît, celui du collectif, Warkings ! ‘Morgana’, quatrième opus de la formation de power metal, sort le 11 novembre chez Napalm Records. Le Viking, bassiste en Asgaard, a pris congé de ses acolytes anonymes le temps de répondre à quelques questions.
Khimaira : Cher Viking, si j’ai bien tout suivi, la « Reine des damnés » [Melissa Bonny] a quitté le navire et c’est la Fée Morgane qui a pris sa place au sein de Warkings ?
Le Viking : Oui, la Reine des damnés avait du taf en enfer, elle a dû retourner en son royaume dans le Septième Cercle pour y régler quelques affaires (rires) ! On avait encore des projets avec elle, on parlait de repartir en tournée ensemble mais cette histoire de pandémie a tout fichu par terre. Tout est resté en suspens, et il se trouve que notre Reine avait d’autres projets de son côté… C’est alors que nous avons rencontré Morgane, et son timbre de voix s’accordait bien au changement de ton qu’on a souhaité, en trouvant un son un peu plus lourd et agressif que dans les albums précédents.
Et vous avez eu l’idée de consacrer ce nouvel opus au roi Arthur…
On tournait en rond, l’an dernier, à ruminer notre colère et notre frustration à cause de toutes ces annulations de concerts… jusqu’à ce qu’on tombe sur le roi Arthur, un soir de fiesta au Valhalla. Il y a plein d’histoires autour de lui, et plein de rumeurs autour de sa demi-sœur Morgane, une sorcière maléfique à ce qu’on dit… Nous sommes allés rendre visite à la dame et, une fois en sa compagnie, on s’est dit qu’elle avait une super voix, tout à fait dans l’esprit du groupe, et que ce ce serait bien qu’on lui offre la liberté de s’exprimer. On connaît tous par cœur la vie du roi Arthur, l’histoire de son épée Excalibur, etc. Mais dans tous les récits, il y a une face cachée, et il fallait que Morgane nous donne sa version des faits.
Mais votre truc, c’est de raconter les exploits des guerriers, et pas vraiment les maléfices des sorcières ! Vous auriez pu choisir de parler, sinon du roi Arthur, au moins des Chevaliers de la Table ronde, de Lancelot, de Gauvain…
OK, jusqu’ici on a beaucoup parlé d’anciennes batailles et de héros devenus légendaires les armes à la main, mais cette fois on a choisi un ton plus personnel pour raconter cette histoire de famille plutôt sanglante. La relation hostile entre Arthur et sa demi-sœur, c’est quand même quelque chose, et ça nous a permis de révéler un nouvel aspect de Warkings. Sans oublier que ce genre de relations faites d’amour et de haine trouve un écho chez beaucoup de gens !
Votre inspiration, allez-vous la chercher parfois ailleurs que dans les récits des anciennes batailles et dans les légendes ?
Non (rires) ! On s’asseoit tous ensemble, chacun y va de sa proposition d’histoire à raconter et, après s’être un peu engueulés, on arrive à se mettre d’accord sur la meilleure idée ! Pour le roi Arthur et Morgane, on a vite trouvé un terrain d’entente, tant leur histoire est particulière. Le père de Morgane a été tué par Uther Pendragon qui, grâce à l’enchanteur Merlin, a pu prendre l’apparence de sa victime et s’inviter dans le lit de son épouse. D’où la naissance d’Arthur et la haine que Morgane éprouve à son égard.
D’un point de vue musical, est-ce que vous vous êtes fixé de nouveaux défis ?
Comme je disais tout à l’heure, tous ces concerts annulés, ça nous a bien fait enrager. Alors tu vois ce que c’est, on se rassemble autour d’une table, on se met à boire un peu, les esprits s’échauffent et, pour finir, on n’est pas loin de se taper dessus ! Tout ça, ce n’est pas bon, alors nous avons mis à profit cette violence bouillonnante pour écrire de nouvelles chansons et franchir comme un cap en trouvant des tonalités plus sombres et agressives. Et la voix incroyable de Morgane nous a aussi bien dopés ! Enfin, ça reste du power metal, hein, ce n’est pas non plus Cannibal Corpse (rires) !
J’ai un aveu à te faire : quand Warkings a débuté il y a quatre-cinq ans, avec Reborn, je vous ai trouvés cool, mais je me suis dit que le groupe n’allait durer que le temps d’un album, juste pour le fun. Et j’ai eu tort puisqu’en 2022 vous êtes toujours là, avec un quatrième LP…
Je t’avouerai à mon tour que quand on a lancé le groupe, on n’a suivi aucun plan pré-établi : on s’est réunis pour jouer du heavy metal, donner des concerts… avec cette envie de raconter d’anciennes histoires de batailles. Et une fois bouclée notre première tournée, qu’on a adoré faire, plein de nouvelles idées sont arrivées, et avec elles l’envie de raconter encore plus d’histoires. Alors voilà, on a écrit d’autres chansons, le deuxième album est arrivé… Tout s’est déroulé à merveille jusqu’à la pandémie, qui nous forcés à marquer une pause, comme ça a été le cas pour tout le monde. Mais la roue de l’inspiration n’a jamais cessé de tourner et on n’a pas arrêté de composer…
Est-ce pour cette raison que Morgana arrive si vite après Revolution, l’album précédent, qui est sorti il y a à peine plus d’un an ?
En fait, nous aurions dû partir en tournée avec Powerwolf en octobre de l’année dernière, on avait tout organisé et bam ! une fois encore, tout a dû être annulé. Quelle période bizarre, vraiment, c’était comme si on supprimait la musique, et l’art en général, de la vie des gens. Comme si on vivait Un Jour sans fin — tu sais, le film avec Bill Murray… Les choses s’arrangent, et voilà d’un coup que ça recommence, on se retrouve une nouvelle fois les fesses sur une chaise à ne rien pouvoir faire ! On n’avait donc pas prévu d’écrire un nouvel album si vite, mais on avait tellement de temps devant nous, du temps qu’on ne pouvait employer qu’à enregistrer des morceaux… Une idée après l’autre, on s’est retrouvés avec de nouvelles chansons et le quatrième album a pris forme. Alors je suis heureux qu’on ait pu enregistrer Morgana aussi vite, mais franchement, ce qui m’importe, c’est de pouvoir jouer de nouveau sur scène, et je n’ai pas envie de revoir les murs d’un studio avant deux ans, peut-être même trois (rires) !
La tracklist de Morgana se termine avec deux reprises, Armata Strigoi et Cry Thunder, respectivement de Powerwolf et de DragonForce. En somme, des titres de power metal. Vous n’avez pas eu envie d’enregistrer des versions metal de titres empruntés à d’autres genres musicaux ?
Powerwolf et DragonForce, ce sont les groupes avec lesquels nous nous apprêtons à partir en tournée, dès le mois d’octobre. On adore leur musique, ce sont en plus des gens vraiment très sympas et ils nous font l’honneur de nous inviter à les rejoindre pour une grande tournée. Alors on a tenu leur faire ce clin d’œil, comme un hommage.
Quand vous avez créé Warkings, était-il clairement établi, dès le début, que vous porteriez des masques pour dissimuler à la fois vos visages et vos identités ?
Oui, bien sûr ! Comment pourrait-on faire autrement ? Notre bande est composée d’un Viking, d’un guerrier des croisades, d’un tribun romain et d’un Spartiate, tous morts et revenus de l’au-delà ! Je peux te dire que, sous nos masques, on n’est pas jolis à voir ! Et je me sens bien dans la peau d’un Viking, je n’ai pas à m’entraîner physiquement très dur comme le Spartiate, je peux picoler beaucoup plus que lui — il ne touche pas trop à l’alcool, je dois dire, ce qui le rend un peu ennuyant parfois… Mais il est doué en sport !
Il n’empêche que c’est Georg Neuhauser qui se cache derrière le masque du tribun : sa voix est tellement reconnaissable qu’il n’y a aucun mystère à son sujet !
Oui, oui, c’est ce que tout le monde dit mais, pour moi, c’est un général romain et rien d’autre. Un général romain très cultivé, d’ailleurs, avec d’excellentes manières, et en ce qui me concerne, je n’ai jamais connu cette personne autrement qu’en tribun !
La quête du roi Arthur, c’est la recherche du Saint Graal. Dis-moi, ce serait quoi, le Graal, pour les Warkings ?
Pour ma part, ce serait un truc un peu spécial : je rêve depuis quelque temps de partir en tournée sur un drakkar ! Prendre la mer et naviguer de port en port en donnant un concert à chaque escale ! Ça, ce serait cool… Pour ce qui est du groupe dans son ensemble, le Graal, ce serait simplement de pouvoir continuer à jouer sur scène et de connaître des moments tels qu’on a pu en vivre ces derniers mois : on a passé un super été en jouant dans plein de festivals, on a donné quelques concerts avec Gloryhammer… Je sais, c’est une réponse un peu banale, mais pour l’instant, c’est vraiment ce qui compte, à nos yeux comme à ceux des artistes en général : ne plus devoir rester enfermés et pouvoir donner des concerts et faire des tournées.
Est-ce que Morgana sera avec vous à chaque rendez-vous sur scène ?
Absolument ! Elle était déjà avec nous à chaque date de cet été, et elle le sera encore pendant les tournées de cet automne et de l’an prochain. On adore sa voix, on aime ce qu’elle dégage sur scène et on trouve en plus qu’elle se débrouille super bien avec les titres de nos albums précédents.
Pourriez-vous envisager de l’intégrer au groupe définitivement, plus seulement en tant qu’invitée ?
Pour tout dire, on ne la considère pas vraiment comme une invitée… Pour le moment, elle est avec nous, et seulement avec nous. Peut-être que plus tard, elle voudra se lancer dans des projets personnels, on n’en sait rien, mais pour l’heure on la trouve tellement à sa place au sein de Warkings qu’on ne la considère pas autrement que comme un membre du groupe à part entière.
Sinon, je me demandais : ce que vous faites ensemble mis à part, avez-vous les uns et les autres les mêmes goûts musicaux ?
Eh bien non (rires) ! Je veux dire, on aime tous le heavy metal mais il arrive qu’on s’asticote sur nos préférences respectives. Le Croisé et moi nous situons plus du côté sombre et très lourd de ce genre musical, tandis que notre chanteur le Tribun préfère des choses plus mélodieuses. Si on lui fait écouter Cannibal Corpse ou Lorna Shore, il n’aime pas (rires) !
Le dernier album que tu as découvert, saurais-tu me dire ce que c’était ?
Oui, l’album Elegy d’un groupe américain qui s’appelle Shadow of Intent. C’est du deathcore, et du lourd. Ils composent un mélange de heavy avec des arrangements très épiques, ils ont aussi un excellent vocaliste capable de produire un chant growlé très profond.
Et le dernier album que tu as adoré sans réserve de la première à la dernière note ?
Hum, voilà une très, très bonne question ! Tu veux dire un album dont j’aurais aimé tous les morceaux ?
Exactement, que tu peux écouter ad vitam sans jamais sauter une piste !
Eh bien… ce ne sera pas un titre très récent, mais voilà : je dirais que mon album préféré, toutes époques confondues, c’est Operation: Mindcrime de Queensrÿche [1988 — NdR]. Un sans-faute, et je peux l’écouter à chaque fois d’un bout à l’autre sans jamais me lasser.
Merci pour tes réponses, Viking ! Et on souhaite à Warkings une excellente tournée !
Merci à toi d’avoir pris le temps de me les poser. À plus !
Propos recueillis en octobre 2022. Remerciements à Magali Besson (Sounds Like Hell Productions) et à Lukas Frank (Napalm Records).